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revue Die Musik, ou de son formidable Te Deum. Pour être complet dans l’indication des œuvres de Bruckner, signalons encore un grand chœur d’hommes avec solo de ténor sur le poème Rêves et Veilles, de Grillparzer, deux autres chœurs avec solide baryton et de ténor, la grande cantate Helgoland, le Cantique des Cantiques pour chœurs d’hommes, ténor et orchestre, le lied En Avril, d’après Geibel, un Minuit, autre chœur sur un texte de J. Mendelssohn, un quintette fameux, et un Souvenir pour piano, trouvé dans ses papiers après sa mort. Nous croyons être complet. Les œuvres posthumes seront assez nombreuses ; la piété de ses admirateurs, naturellement moins sévère à l’égard des moindres productions de Bruckner que Bruckner lui-même, nous réserve de grandes surprises. Comme tous les artistes, Bruckner était souvent tenté de détruire des choses excellentes. En tous cas, le soin de ces publications est entre bonnes mains : MM. Ferdinand Löwe, Auguste Stradal et August Göllerich sont des musiciens, pianistes et chefs d’orchestre de premier ordre.

Et maintenant il ne s’agit pas de terminer sans essayer de donner quelque idée de cette musique prodigieuse. Elle est si solide, si infrangible en son armature et pourtant si grandiose dans l’imprévu de ses développements, que M. Marcel Montandon a pu lui appliquer à merveille les paroles de l’abbé Maury sur Bossuet : « Ses plans sont ordinairement vastes et heureux. On conçoit aisément qu’il ne peut guère se renfermer que dans un grand espace : encore cet espace est-il souvent trop étroit et son génie en sort comme par bonds. C’est ordinairement dans ses épisodes, ou, si l’on veut, dans ses écarts, qu’il est sublime ; mais alors l’admiration qu’il inspire justifie l’irrégularité de sa marche et fait sentir vivement le besoin qu’il avait de prendre son essor pour mettre ses sentiments ou ses idées en liberté. » C’est dans ces élans passionnés, ces progressions à couper l’haleine, que le critique moderne a voulu voir quelque chose de bachique et de panthéiste ! Il a des fanfares radieuses qu’il écrivait en pensant à l’archange saint Michel, son « meilleur ami après le bon Dieu » ! Il a des arrêts subits en pleine fureur orchestrale, en plein délire imaginatif, où on l’entend murmurer une prière, un petit bout de choral. On pense à ces chapelles