Page:Revue générale - volume 85, 1907.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas auparavant, et, d’autre part, il y a lieu d’avoir égard aux réflexions judicieuses du Journal des Débats qui écrivait le 9 mai 1897 : « L’augmentation a donc été assez médiocre ; elle est même presque nulle, si l’on tient compte de la progression normale et régulière qui se produisait avant 1882 et qui sans doute ne se serait pas arrêtée. » À la même époque, M. Rivière s’exprimait ainsi, en parlant de Paris : « Sur 225 000 enfants d’âge scolaire, 20 000 environ ne reçoivent pas d’instruction » ; il ajoutait que, pour toute la France, le rapport entre les enfants inscrits et ceux qui sont réellement assidus, est d’environ 89 p. c. sur 5 545 000 élèves : c’était donc tout près de 600 000 enfants qui échappaient au principe de l’obligation[1].

Les choses avaient-elles changé dix ans plus tard ? Non, elles ne s’étaient guère améliorées. M. Goyau, dans un article de la Revue des Deux-Mondes écrit en décembre 1905, cite ces paroles de M. l’inspecteur général Cazes, datées de 1904 : « La situation est à peu près aujourd’hui ce qu’elle était avant l’application de la loi de 1882 : une moyenne de 5 p. c. d’enfants dans les campagnes, de 20 p. c. dans les centres populeux, ne fréquentent aucune école, et, chose plus grave, les 95 centièmes la fréquentent d’une manière tout à fait insuffisante. » À Paris même, la loi n’est pas appliquée : lors de l’incorporation des conscrits en 1905, on a constaté qu’il y avait 82 jeunes gens ne sachant ni lire ni écrire et 59 sachant seulement lire ; 1 547 ignoraient les premiers éléments de l’arithmétique. En juillet 1906, le Journal des Débats écrivait au sujet des conscrits ne sachant ni lire ni écrire : « La moyenne des ignorants dépasse 50 pour 1000 dans une vingtaine de départements, 10 p. c. dans une demi-douzaine d’autres, un tiers dans l’arrondissement de Rochechouart, qui détient le peu enviable record de l’ignorance crasse. » Au mois d’août 1906, M. Gabriel Monod, de l’Institut, a écrit au Journal de Genève : « La cause de l’impuissance de notre loi sur l’obligation de l’enseignement primaire est simplement sa non application ; nulle part les autorités, soit universitaires, soit administratives, soit municipales, ne font le moindre effort pour

  1. Mendiants et vagabonds, Paris, 1902.