L’AMI DE LA LOGIQUE
… Je ne nierai pas que j’aie voulu voler, oui, je voulais voler, mais non pas tuer. D’ailleurs, est-il certain que je l’aie tué ? On l’a trouvé mort auprès de moi et j’avais le
pistolet au poing… pourtant, je vous l’affirme, à proprement parler, ce n’est pas moi qui l’ai tué, ni personne, ni lui-même. Je sais bien que je suis fou, depuis, et que l’affirmation d’un fou ne pèse guère. C’est un tort. En vérité, personne au monde n’est plus lucide qu’un fou dans les moments où il n’est pas fou. Au collège, on m’appelait déjà l’ami de la logique.
Et puis tout cela s’est passé de façon si étrange ! Dès le début, en posant ma main sur le bouton de la porte, j’ai eu l’affreuse conviction que l’homme était en train de regarder le bouton correspondant de cette même porte. À huit pas de moi, je le devinais, assis dans un fauteuil, bien en face. Quel était-il, cet homme que je venais voler ? jeune ou vieux ? Et de quelle nature ? Et surtout que pensait-il en voyant tourner ce bouton ?
Car je tournais maintenant, et je me disais :
— De l’autre côté, cela tourne aussi, mais le point de clarté que sa lampe jette sur l’ivoire est immobile, et il doit être très perplexe.
Le sentiment de cette perplexité me remplit de pitié. Je poussai le battant. Il y avait