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REVUE FRANCO-AMÉRICAINE.

échauffé, et la longue recherche à laquelle il se livre pour trouver des juges équitables dans cette ville de fausseté où l’on semble prendre à tâche de décourager ceux qui donnent quelque espérance. Heureusement qu’il rencontre le baron d’Holbach, homme distingué par sa naissance, son goût, sa probité, et surtout par l’accueil qu’il daigne faire au talent naissant. Le baron s’offre obligeamment à réunir chez lui cinq ou six des meilleurs esprits du temps, qui entendront Balthasar, le jugeront avec la dernière sévérité et apprendront à l’auteur, par le jugement qu’ils en porteront, celui qu’il devra en porter lui-même.

« L’avouerai-je ? dit le pauvre abbé, l’examen fut sanglant. Mais je réfléchis sur les observations de mes critiques. Je vis bientôt qu’il n’y avait aucune pièce au monde sur laquelle on n’en pût faire d’aussi solides. Je me dis alors à moi-même : Comment ! voilà donc à quoi se réduit tout ce que les hommes de Paris, qui passent pour avoir le plus d’esprit, trouvent de répréhensible dans mon ouvrage ? En vérité, il faut qu’il soit mieux que bien ; je me risque donc à le publier. »

De nos jours, les ratés ne sont pas moins orgueilleux qu’au temps de l’abbé Petit ; mais généralement, ils ont la dent plus mauvaise.

Alphonse Daudet.