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qu’ils pensaient par la raison que François-Joseph sait fort bien que la Russie fait marcher les Bulgares comme des pantins et les pousse secrètement tout en ayant l’air de les retenir — et que, de son côté, Nicolas n’ignore pas que l’Autriche chasserait de bon cœur la Russie des Balkans si elle le pouvait. On se moque des Chinois et de leur préoccupation constante de sauver la face, c’est-à-dire les apparences. Le sultan ne fait pas autre chose et les deux empereurs non plus. Si le calme se rétablit momentanément en Orient, ce sera simplement parce que les Bulgares se seront méfiés de la Russie et que les Grecs auront intelligemment prêté leur appui à la Turquie. Les palabres de Vienne n’y auront rien fait.

Après la capitale autrichienne, le tsar devait visiter Rome. C’était une chose entendue depuis longtemps. Presque à la dernière heure une note brutale a été communiquée à la presse disant qu’en présence des discussions offensantes auxquelles se livraient les socialistes italiens, relativement à l’opportunité de manifestations désapprobatives sur le passage des souverains russes, ceux-ci se voyaient forcés de renoncer à leur voyage. Remarquez l’invraisemblance d’un tel prétexte. Si le tsar attend que les socialistes lui deviennent favorables pour visiter les capitales étrangères, il a le loisir de mourir de vieillesse avant d’être sorti de Pétersbourg. Jusqu’ici il s’en est remis aux gouvernements du soin d’assurer sa sécurité et il n’a pas eu à le regretter. Le gouvernement italien l’aurait assurée aussi énergiquement que le nôtre l’avait su faire en 1896 et en 1901. De plus, au moment où paraissait cette note, le tsar était à Darmstadt, au centre de cette Allemagne qui vient encore de donner des gages non équivoques de confiance au socialisme. Il y résidait près de la famille de l’impératrice et nul attentat n’avait menacé ses jours : en vérité, ses jours ne sont-ils pas plus menacés chez lui qu’à l’étranger ? Mauvaise raison. Et puis, pourquoi ce coup de boutoir ? La diplomatie entoure d’ordinaire de plus de précautions oratoires les arrêts que formulent ses grands-pontifes. Était-ce, comme on l’a prétendu par la suite, le souci des affaires de Mandchourie et de l’agitation japonaise qui retenait l’empereur. Mais puisqu’il était à Darmstadt pour plusieurs semaines, il pouvait bien venir à Rome pour quelques jours ?… —

Il y viendra très probablement : la courtoisie la plus élémentaire l’oblige à rendre à Victor-Emmanuel la visite que celui-ci