Page:Revue du Pays de Caux n5 novembre 1903.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
LA FRANCE ET L’ITALIE

française de la Tunisie qui avait causé en Italie une désagréable surprise. Les Italiens s’étaient accoutumés à l’idée que ce serait là leur première colonie et le nombre de leurs nationaux déjà fixés dans la régence légitimait jusqu’à un certain point cet espoir. Il s’en suivit un mouvement anti-français que Crispi utilisa pour nouer des liens plus étroits avec l’Allemagne, notre ennemie ; ce fut blessant peut-être, mais moins irritant à coup sûr que l’insultante hostilité des premières années. Cette hostilité se basait sur le plus ridicule des prétextes. On accusait le gouvernement de M. Thiers, et surtout celui du maréchal de Mac-Mahon, de viser le rétablissement par la force du pouvoir temporel des papes ; et le plus sérieusement du monde, on affectait, en citant les paroles d’un cantique ou les termes d’un discours électoral, de craindre qu’une expédition française ne fut promptement dirigée sur Rome.

Or, dès janvier 1874, au lendemain de l’organisation du septennat qui venait de consolider les pouvoirs présidentiels du maréchal de Mac-Mahon, le duc Decazes, alors ministre des affaires étrangères de la république, avait été amené à définir la politique de son gouvernement envers l’Italie et il l’avait fait en ces termes : « Entourer d’un pieux respect, d’une sollicitude sympathique et fidèle le pontife auguste auquel nous unissent tant de liens, en étendant cette protection et cette sollicitude à tous les intérêts qui se relient à l’autorité spirituelle, à l’indépendance et à la dignité du Saint-Père ; entretenir sans arrière-pensée avec l’Italie telle que les circonstances l’ont faite, les relations de bonne harmonie, les relations pacifiques, amicales, que nous commandent les intérêts généraux de la France… » Impossible de rien exprimer de plus net et de plus rassurant. Que le gouvernement royal ait éprouvé quelque crainte, quatre ans plus tard, lorsqu’eut lieu la tentative réactionnaire dite du 16 mai, cela est compréhensible ; mais l’avortement de cette tentative fut prompt et le reste du temps, quel homme politique le moins du monde au courant des choses eut pu craindre une attaque de la France ? Jamais cette hypothèse ne fut seulement envisagée. Si nous avions entretenu à cet égard une arrière-pensée quelconque, ce n’est pas par l’envoi d’une escadre que brusquement se fut manifesté notre dessein. Nous aurions commencé par sonder discrètement les chancelleries, par entamer des pourparlers en vue de quelque conférence diplomatique ou de quelque congrès international. Toutes les archives de l’Europe pourraient être mises à