Ce désir ne dominait pas encore quand la France révolutionnaire déborda sur la péninsule, l’envahit et la divisa en un certain nombre de républiques qui eussent pu facilement s’entendre, correspondre entre elles, se marquer leurs tendances respectives vers l’unité ; mais, en ce qui concerne les formes gouvernementales, la vieille apathie prévalait ; l’éducation politique n’était point avancée ; les Italiens continuaient de professer, à l’égard de leurs gouvernants, le « j’m’en fichisme » contenu dans le fameux programme romain : panem et circenses. Des spectacles et quelques poix chiches contentaient leurs besoins ; des formules légales et des principes administratifs ils n’avaient cure. En 1805 Napoléon se proclama roi d’Italie, titre auquel il semble que son orgueil corse ait attaché plus de prix qu’à celui d’empereur des Français. C’était bien un titre et non une réalité, mais il n’eut tenu qu’au nouveau césar de réaliser dès alors l’unité péninsulaire. La vice-royauté qu’il attribua à son beau-fils Eugène de Beauharnais aurait pu s’étendre au royaume de Naples, aussi bien qu’au Milanais et à la Venetie ; ou encore, au lieu de donner le trône des Bourbons à l’un de ses frères puis à son beau-frère Murat, il aurait pu ne leur confier qu’un pouvoir vice-régal à exercer en son nom. Si Napoléon avait eu le désir de l’unité italienne, il n’eût pas créé cette étrange figure d’une péninsule dont il gouvernait le nord-est (Milanais et Venetie) par l’entremise d’un vice-roi, dont le nord-ouest et le centre (Piémont, Gênes, Toscane, États de l’Église), se trouvaient annexés à son empire et dont le sud conservait l’indépendance sous le sceptre d’un prince de sa famille. Il est donc faux de représenter Napoléon ier comme l’initiateur et l’architecte de l’unité ; il ne la chercha ni ne la voulut et pourtant il y travailla inconsciemment et la prépara ; ou plutôt ce furent les lois françaises qui, imposées par son despotisme, vinrent bouleverser les anciennes législations et qui s’implantèrent d’autant plus facilement qu’elles répondaient aux aspirations du génie latin et satisfaisaient ses tendances à l’uniformité. Cet avantage certain, l’Italie le paya cher. Pour n’en citer qu’un exemple, mais singulièrement suggestif, elle participa à la campagne de Russie par l’envoi de 27.000 hommes ; il en revint 1.000. Voilà ce que coûta aux Italiens une seule des guerres de l’empire, la plus lointaine il est vrai et la plus meurtrière. On conçoit qu’ils aient vu,
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