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d’un héritage aussi somptueux, servait d’aiguillon à de tels sentiments. Mais il importe de ne pas oublier que si Rome fut la capitale du monde, elle ne fut à aucun moment la capitale de l’Italie parce que l’Italie n’avait été, en somme, qu’une des provinces asservies à son pouvoir. Le nom de Rome n’évoquait donc dans l’âme italienne qu’une vision de gloire et nullement une réminiscence d’unité. Rome, d’ailleurs, était devenue le centre de la chrétienté et nul, en ce temps-là, n’aurait su concevoir comme possible la coexistence, dans l’enceinte d’une même cité, de deux gouvernements, l’un temporel et national, l’autre spirituel et mondial sans que ces deux gouvernements se trouvent réunis entre les mains du souverain pontife. La ville aux sept collines gardait donc, sous les papes comme sous les empereurs, son caractère exceptionnel, mais autour d’elle, les autres villes italiennes s’étaient laissé pénétrer par la notion de leur communauté morale et se sentaient membres d’une même famille. Famille très désunie à coup sûr et dont les querelles étaient fréquentes et retentissantes, sans perdre pour cela l’aspect de querelles de famille. La brouille qui vous sépare de votre frère ou le conflit qui naît entre vous et lui ne sont-ils pas très différents de ce qu’ils seraient si vous n’étiez qu’amis et arrivent-ils jamais à annihiler les liens du sang ? Pendant le douzième siècle, les principales cités d’Italie avaient réussi à se rendre indépendantes et à se donner des institutions démocratiques ; mais, à cette époque là et surtout en Italie, le terme démocratique avait un sens peu conforme à l’idée qu’il éveille de nos jours ; la populace n’était guère en état de participer au gouvernement, et c’était une oligarchie qui l’exerçait. Parfois l’oligarchie restait en contact avec la foule et se faisait vaguement approuver et soutenir par elle ; parfois au contraire, elle s’en émancipait complètement et dégénérait en une tyrannie plus ou moins absolue, aux mains de princes élevés au rang suprême par leur fortune, leur audace ou leur intelligence. Ces princes s’attaquaient entre eux ou se défendaient contre les rivaux qui convoitaient de leur arracher leur pouvoir. À d’autres moments, l’intérêt commercial jetait l’une contre l’autre deux républiques qui se disputaient la possession d’un port ou l’avantage d’un marché. Quand on songe, d’autre part, à l’interminable lutte qui mettait sans cesse aux prises la papauté et l’empire, ou bien encore à ces invasions françaises conduites par trois de nos rois Charles VIII, Louis XII et François Ier, quand on voit l’am-