Page:Revue du Pays de Caux n5 novembre 1903.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
REVUE DU PAYS DE CAUX

LA FRANCE ET L’ITALIE



La visite que le roi et la reine d’Italie viennent de faire au président de la république française marquera dans l’histoire ; cet événement dépasse de beaucoup la portée des autres visites échangées entre le président et les souverains d’Angleterre ou de Russie. Non pas que l’importance politique en puisse être plus considérable ; la consolidation ou le maintien de l’alliance franco-russe, la réalisation d’un rapprochement jugé longtemps irréalisable entre la France et l’Angleterre constituent des faits dont les conséquences pèsent d’un poids plus lourd dans la balance de nos intérêts que ne peut le faire un échange de témoignages amicaux entre la France et l’Italie. Après tout, nos voisins du sud continuent, aujourd’hui comme hier, d’appartenir à la triple-alliance, c’est-à-dire à un groupement qui fut longtemps dirigé contre nous et qui sert encore de contrepoids à celui que nous formons avec la Russie. Si la triplice a cessé de nous être hostile, elle ne nous est pourtant point devenue favorable et cette seule considération doit nous empêcher d’attribuer à la démarche de Victor-Emmanuel iii, le caractère d’un changement radical d’orientation politique, caractère qu’elle ne saurait avoir.

Il en va autrement du point de vue historique ; les séjours en France de Nicolas ii n’ont été que des épisodes expressifs d’une alliance existante ; la réception d’Édouard vii a ressuscité une ère inespérée de cordialité dans nos rapports avec l’Angleterre. Mais l’entrée à Paris du roi d’Italie fut autre chose ; elle marqua la fin d’un énorme et redoutable malentendu qui, depuis près d’un demi-siècle, pesait sur l’Europe. Il y aurait, croyons-nous, quelque exagération à prétendre qu’en cette circonstance les deux pays ont posé les jalons d’un avenir très fécond ; mais ils ont certainement, d’un commun accord et en toute sincérité, clos à jamais un terrible morceau de passé.

Ce passé, nous l’avons jugé jusqu’ici d’une façon tellement contraire à la façon dont le jugeaient les Italiens que toute entente paraissait impossible. Nous nous considérions comme les bienfaiteurs providentiels de l’Italie ; comme ayant, non point accéléré,