le gouvernement et la royauté se trouveraient précipités s’il arrivait à la Norwège et à la Suède de rechercher au dehors des alliances contradictoires ou de s’orienter dans des voies opposées ? L’opinion Norwégienne n’a pas su encore se rendre compte de ces dangers ; elle en veut aux radicaux de n’avoir pas satisfait ses ambitions ; c’est pourquoi libéraux et conservateurs se sont entendus pour faire échec au radicalisme ; il est probable qu’ils arriveront simplement à imposer à sa domination un temps d’arrêt bref et inutile.
C’est en ces termes que le comte Étienne Tisza, premier ministre du roi de Hongrie, vient d’apostropher M. de Kœrber, premier ministre de l’empereur d’Autriche : et toute la Hongrie d’applaudir. Viendra-t-on encore nous dire que le démembrement de l’empire Habsbourg est une chimère et qu’au fond du cœur, les sujets de François-Joseph s’entendent mieux qu’on ne pense ? Jamais, sans doute, une pareille parole n’avait été échangée entre deux moitiés d’une même monarchie ; elle en dit très long sur les sentiments séparatistes qui s’agitent dans les masses. Il est vrai que M. de Kœrber avait manqué de tact et de prudence en traitant à la tribune du reichsrath autrichien des questions purement hongroises et sur un ton raide et cassant. Qu’à Budapest, on ait senti le besoin de revendiquer les prérogatives nationales, rien de surprenant. Mais, comme l’on dit, c’est le ton qui fait la chanson. Étrangers distingués ! Voilà où ils en sont. Une nation, composée de peuples qui se traitent ainsi, a cessé depuis longtemps d’être une nation et ne saurait même plus former une fédération. Mais les Français, prenant leur désir pour la réalité, s’obstinent à ne point voir « le problème de l’Europe centrale ».