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REVUE DU PAYS DE CAUX

L’intervention du président Roosevelt.

Aux États-Unis, ce n’est pas un arbitrage proprement dit qui a mis fin au conflit, c’est l’intervention d’un homme qui est en train d’acquérir une popularité sans égale, non seulement dans son propre pays, mais dans le monde entier. Nous aurons occasion de revenir, très prochainement, sur cette figure unique qui paraît devoir dominer la première partie de ce siècle et dont les fortes paroles exerceront une prodigieuse influence sur les générations nouvelles. Constatons simplement aujourd’hui que sa personnalité a été plus puissante que celles des deux hommes, pourtant si redoutables, auxquels elle s’est imposée : l’un, le fameux milliardaire Pierpont Morgan dont le « Trust de l’Océan » est la plus récente fantaisie capitaliste ; l’autre, le chef indiscuté de tant de milliers de grévistes, Mitchell, dont l’autorité jouit d’un tel prestige auprès des masses. Cette intervention directe du chef de l’État avait été précédée d’une proposition d’arbitrage formulée également par Théodore Roosevelt et qui, bien accueillie des travailleurs, fut repoussée par les Trusts. C’est alors que, tout espoir semblant perdu, le président entra lui-même en campagne et obtint des adversaires en présence une prompte cessation d’hostilités. Remarquez les conséquences de ce double fait ; elles sont énormes. D’une part, l’opinion en veut aux Trusts d’avoir failli, en repoussant l’arbitrage, indéfiniment prolonger une grève qui durait depuis cinq mois, et organiser, aux approches d’un hiver rigoureux, la famine du charbon ; d’autre part, elle a pu mesurer la force d’intelligence et de caractère du président et sa confiance en lui s’en est trouvée aussitôt accrue dans des proportions imprévues. Elle est donc prête à le seconder dans la lutte contre les Trusts.

Une occasion, presque immédiate, s’est offerte de constater l’étendue de ces résultats. Les États-Unis ont été appelés, en effet à élire, au lendemain de ces événements, la Chambre des députés qui siègera de 1903 à 1905 ; et, en même temps, beaucoup d’États de la Confédération avaient à élire leurs Chambres particulières. On sait quelle est actuellement la situation des partis dans la grande république Américaine. Le président Roosevelt, chef des Républicains, leur tient tête ; il est opposé à la toute puissance des Trusts et hostile aux exagérations du protectionnisme, ce qui permet à