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L’INDO-CHINE FRANÇAISE

Tchéou, et les jours suivants il exécuta cette merveilleuse descente de la rivière qui est demeurée le plus beau fait d’armes de la fin du xixe siècle. Prenant à revers tous les ouvrages fortifiés élevés sur les rives et devant lesquels, en montant, il avait passé par surprise, l’amiral les démantela les uns après les autres. Le 25 et le 26, les compagnies de débarquement anéantirent les batteries et les forts des passes, et deux jours après, on ralliait les navires qui n’avaient pas pris part à l’expédition : la Chine perdait plus de 2.500 hommes et 30 millions de francs ; nous avions dix tués en tout. Au Tonkin, le général de Négrier s’emparait des positions importantes de Kep et de Chu, et au Cambodge, notre représentant, M. Thomson, réussissait à imposer à Norodom un traité qui abolissait l’esclavage, constituait la propriété individuelle et rendait notre protectorat effectif et complet.

Cependant nos succès causaient en Europe quelque inquiétude et l’Angleterre, en promulguant son Foreign enlistment Act qui, interdisait aux belligérants de se ravitailler dans ses ports en vivres, en munitions et en charbon, favorisait ouvertement les Chinois, sous couleur de neutralité ; ceux-ci, en effet, n’avaient nul souci de cette interdiction qui pesait, au contraire, lourdement sur nous. Des dépôts de charbon furent donc créés à Obock, à Mahé et à Pondichéry, et les hostilités continuèrent. L’amiral Courbet avait bloqué Formose : il occupa les îles Pescadores et bloqua le Pe-tché-Li pour empêcher le riz des provinces d’arriver à Pékin. Au Tonkin, le général Brière de l’Isle marchait sur Lang-Son, qu’il occupait le 13 février 1885, puis revenait, à marches forcées, sur Tuyen-Quan où les 600 soldats du commandant Dominé étaient assiégés par 15,000 Chinois. Ce siège mémorable, où s’illustrèrent, avec le valeureux sergent Bobillot, tant d’autres héros, ne prit fin que le 3 mars. Cette belle victoire acheva d’abattre les Chinois qui, depuis la destruction de Fou-Tchéou, savaient du reste à quoi s’en tenir sur la force de nos armes — et perdaient maintenant l’espoir de voir les autres puissances intervenir dans le conflit. L’affaire de Lang-Son, que notre garnison, attaquée à l’improviste par des forces supérieures, dut évacuer le 28 mars, n’empêcha pas la paix de se conclure. Le 4 avril, les préliminaires en furent signés à Paris et le 9 juin suivant, le célèbre traité de Tien-Tsin consacrait le triomphe de la politique française : l’Annam et le Tonkin relevés à jamais