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MER OU CONTINENT



Une heure solennelle qui, deux fois déjà, marqua dans notre histoire, va sonner aux horloges Françaises : l’heure où se fixera notre orientation politique, l’heure où il faudra choisir entre la mer et le continent, entre l’Europe et les colonies.

Ainsi en a disposé cette nature qui a prodigué à notre pays ses dons les plus précieux, mais qui l’a enfermé dans un dilemme où se jouent perpétuellement sa gloire et sa fortune.

Attachée au continent, la France vibre avec lui, s’agite de ses troubles, s’émeut de ses passions, participe à ses convoitises et se mêle à ses querelles ; en façade sur l’océan, elle regarde au loin, s’éprend du vaste univers, s’enthousiasme pour les aventures, et se jette dans les audacieuses entreprises.

Les souvenirs de ses victoires remplissent l’Europe, mais les traces de ses conquêtes parsèment le monde !

Moins que jamais, aujourd’hui, une grande nation peut prétendre à dominer partout. Il faut qu’elle fasse son choix et s’y tienne. Et la France, du reste, connaît de longue date cette obligation et sait aussi ce qu’il en coûte de mal choisir.

François Ier, Coligny, Henri IV, Richelieu et Colbert lui avaient fait un empire colonial sur lequel le soleil ne se couchait pas. Louis XIV l’entama par orgueil et Louis XV le perdit par sottise. Le traité de Ryswick (1697) qui termina la guerre dite de la Ligue d’Augsbourg, laissait ébranlée, mais encore intacte, notre puissance exotique. Le traité d’Utrecht (1703) nous enleva Terre-Neuve, l’Acadie et la Baie d’Hudson. Le traité d’Aix-la-Chapelle (1748) nous enleva Madras. Le traité de Paris (1763) nous enleva le Canada, la moitié de la Louisiane, Saint-Vincent, la Dominique, le Sénégal et mit fin à notre domination dans l’Inde. Ainsi ces misérables luttes qu’on nomme la guerre de la succession d’Espagne, la guerre de la succession d’Autriche, la guerre de Sept ans, entreprises par des motifs de vanité dynastique, d’intérêt mal entendu ou d’honneur mal compris, jetèrent bas, en moins de