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REVUE DU PAYS DE CAUX

pereur d’Annam, lequel prenait l’engagement de lui céder en retour l’archipel de Poulo-Condore ainsi que la baie et la ville de Tourane.

La révolution ayant empêché Louis XVI de poursuivre l’exécution de ce traité, le prélat patriote ne se tint pas pour battu. Il fréta lui-même deux navires, engagea des officiers et des ingénieurs, les emmena en Indo-Chine où ils réorganisèrent l’armée et la flotte de Gia-Long lequel recouvra son héritage et conquit même le Tonkin par surcroît. C’est ainsi que quatre-vingts ans plus tard, nos soldats, conquérant à leur tour cette terre lointaine, eurent parfois à prendre et à démanteler des ouvrages de défense construits par les ingénieurs Français de Gia-Long. À la cour de l’Empereur restauré, notre influence demeura prépondérante tant que vécut Mgr Pigneau de Behaine. Après sa mort, qui survint en 1798, la fortune de nos compatriotes commença de décliner, mais lentement et non sans que le prestige de la France n’ait eu le temps de marquer son empreinte sur l’esprit des gouvernants, sinon du peuple annamite tout entier.


De 1858 à 1870

Un demi-siècle se passa. À la suite du massacre de nombreux missionnaires Français et Espagnols, qui avaient repris conjointement l’œuvre de sanctification des populations Indo Chinoises, une mission pacifique fut envoyée par Napoléon III sous la direction de M. de Montigny. Elle échoua et force fut bien d’exiger une éclatante réparation. L’amiral Rigault de Genouilly, à la tête d’une expédition Franco-Espagnole s’empara de Tourane, puis de Saïgon (1858-59) ; la guerre d’Italie et la guerre de Chine entravèrent les conséquences de cette conquête. Les Français évacuèrent Tourane et soutinrent dans Saïgon un siège mémorable. En 1861, la campagne fut reprise par l’amiral Charner ; on remporta autour de Saïgon quelques victoires assez chèrement achetées. Elles aboutirent du moins à un succès diplomatique. Par le traité de Saïgon, signé l’année suivante, Tu-Duc cédait à la France les trois provinces de Mytho, de Bien-Hoa et de Saïgon ainsi que l’archipel de Poulo-Condore et s’engageait à payer une indemnité de vingt millions de francs. Mais, bien entendu, la cour de Hué, dès la signature du traité, s’ingénia à lui ôter toute valeur et