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telle œuvre ne pouvait s’accomplir du jour au lendemain ; mais c’était une de ces œuvres dont les échecs successifs préparent, loin de la compromettre, la réussite future. Chaque fois pourtant que le projet en était ajourné, on soulignait en Europe son caractère utopique et l’impossibilité de jamais le réaliser. Il en est de même, aujourd’hui, pour la fédération impériale. Au cours d’une épreuve qui devait — l’a-t-on assez répété ! — aboutir au démembrement de l’empire Britannique, celui-ci s’est grandement unifié et fortifié. La question de la participation des colonies à la défense de l’empire n’aurait pas pu, il y a cinq ans, être discutée par une conférence du genre de celle qui vient de se réunir à Londres et on ose même se demander si une pareille conférence aurait pu facilement se réunir en ce temps-là. La question, d’ailleurs, est complexe et la solution n’en est pas encore trouvée ; le fait qu’on l’ait cherchée avec un désir sincère de l’appliquer est déjà assez probant. Même observation au sujet des problèmes d’ordre économique qui se sont posés devant la conférence. On les discute : ils ne sont pas mûrs. L’idée impériale fait des progrès constants : il faut être aveugle pour ne pas le voir.

Le bien sort du mal.

Nous faisions remarquer, il y a quelques mois, la futilité et — toute révérence gardée — le caractère carnavalesque des préparatifs qui se poursuivaient à Londres pour la cérémonie du sacre. Il semblait y avoir quelque chose d’affligeant à considérer l’héritier d’un si grand trône, uniquement préoccupé, au lendemain d’une guerre terrible, de détails de préséance et d’étiquette. On avait beau répéter qu’il fallait, dans le couronnement, considérer le côté symbolique, l’exagération de l’importance donnée à cet événement n’en demeurait pas moins choquante. Sur ces entrefaites, le roi Édouard a failli mourir ; on l’a opéré, et à peine convalescent, malgré l’avis des médecins et les prières des siens, il est entré à Westminster d’un pas ferme et s’est fait sacrer. La pompe extravagante déployée autour de lui n’a plus été, dès lors, que le cadre brillant d’un beau tableau ; c’est que la figure centrale se trouvait rehaussée de tout ce qu’une volonté vaillante inspire de respect, même lorsqu’elle est appliquée à un objet de second ordre. Si épris de force morale, si sensible à toutes les manifestations de l’énergie individuelle, le peuple Britannique a été remué par un tel spec-