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UN MILLIARDAIRE AMÉRICAIN — ANDREW CARNEGIE

taire ; ce qu’ils répudient, c’est le droit à l’héritage ; le testament, ils le maintiennent et le grandissent. Et surtout, ils sont d’énergiques apôtres de la liberté du capital : c’est elle qui les a faits puissants ; ils se sentent utiles… En parlant de ses devoirs de capitaliste, Carnegie déclare, quelque part, que « noblesse oblige ». Ce n’est pas à de pareils hommes qu’il faut parler de la nationalisation des moyens de production ; ils étoufferaient dans la petite cité collectiviste, étriquée, sans horizon et sans stimulant[1].

Donc au moment où l’on proclame sa chute prochaine, le capitalisme affirme sa vitalité en se révélant sous une forme nouvelle basée sur l’esprit d’initiative et l’individualisme et dans laquelle la concentration des capitaux est à la fois très rapide — une vie d’homme — très puissante et passagère. Jadis plusieurs générations contribuaient à la montée de la famille, laquelle restait ensuite au sommet parmi les dirigeants ; aujourd’hui, la royauté de l’individu est éphémère ; on le blâme quand il tente de la prolonger au-delà de sa propre existence et l’échec de cette ambition est d’ailleurs certain, s’il s’y laisse aller. La grande fortune d’un Carnegie manque du titre ou du domaine autour desquels elle pourrait se fixer. Il y a deux cents ans, on l’eut fait Duc de Pittsburg et ses fils fussent devenus ambassadeurs ou connétables ; de nos jours, il reste Andrew Carnegie et ne peut échapper à son individualité. Un Carnegie est une étoile filante sur qui la Démocratie n’a point de prise et dont le passage lumineux excite certainement plus d’émulation que d’hostilité.


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DU BASSIN DE L’EURE À BOWLING GREEN



Le Havre, 29 août.

Mon médecin qui est un peu Américain d’origine et tout à fait yankee de procédés, m’a dit « mon cher monsieur, je ne connais

  1. Carnegie a écrit quelque part que la richesse des masses est en proportion de la facilité avec laquelle l’individu est laissé libre d’édifier sa fortune, ce qui revient à condamner toute restriction apportée par l’État à l’enrichissement de chacun.