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QUE FAUT-IL PENSER DU SOCIALISME ?

sée, supprimées tout à fait, — l’industrie moderne qui a aggloméré les travailleurs et les a fait plus dépendants les uns des autres — l’esprit démocratique qui a pénétré les mœurs : tous ces changements ont rendu possible une expérimentation générale et universelle du socialisme, la seule qui puisse être tentée avec quelque chance de succès.

Résumons nous ; le socialisme, pour vivre, doit être producteur de richesse : et pour produire de la richesse, il doit résulter d’une entente entre les peuples. Cette entente, impraticable autrefois, serait possible de nos jours.


L’entente est possible, mais elle ne se fait pas

Cela ne veut pas dire qu’elle soit en bonne voie d’exécution. Si on y regarde de près, on se rend compte du contraire. Le prolétariat était assurément plus uni il y a trente ans qu’il ne l’est aujourd’hui, d’un pays à l’autre ; à mesure qu’il perfectionne son organisation, les divisions s’accusent d’une façon plus marquée. Sur trois points principaux, ce recul se dessine très nettement. C’est d’abord l’internationalisme, base des espérances d’antan dont la faillite est quasi-déclarée. Les socialistes Français se nourrissent d’illusions à cet égard. Malgré la stupeur dans laquelle les a plongés la déclaration solennelle du patriotisme Germanique faite en plein congrès international, il y a quelques années, par un des principaux chefs socialistes Allemands, leurs yeux ne se sont pas ouverts à l’évidence ; ils ont été plus ébranlés par le refus de concours rapporté d’Angleterre l’an dernier. Les mineurs Français demandaient à leurs camarades Anglais et Belges, sinon de participer à la grève qu’eux-mêmes allaient déclarer, du moins de limiter pendant ce temps leur production de façon à ne pas fournir aux patrons le moyen de lutter trop avantageusement contre les grévistes ; non seulement les étrangers s’y refusèrent, mais ils refusèrent également tout subside. Qu’elle est loin la fête de fraternisation célébrée à Londres le 5 août 1862 et à l’occasion de laquelle les travailleurs Britanniques s’écriaient avec autant d’emphase que de sincérité : « Nous ne permettrons pas que notre alliance fraternelle soit brisée !… chaque jour se formera un nouvel anneau de la chaîne d’amour qui unira les travailleurs de tous les pays ». Qu’il est loin