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QUE FAUT-IL PENSER DU SOCIALISME ?

enflammés se résume en un mot ; il n’y aura plus de pauvres. Il ne s’agit donc pas de faire monter le plateau de la balance qui est en bas et descendre l’autre ; il s’agit d’arriver à la belle et vraie égalité qui est celle de la justice théorique.

Pour cela, il faut de grandes richesses. Les richesses actuelles ne suffiraient pas, loin de là. Ce point d’ailleurs, n’est pas en dispute. Les socialistes se rendent parfaitement compte de la nécessité où ils se trouvent à cet égard et ils la regardent en face. Ils proclament avec une certitude de très bonne foi, bien que formée un peu à la légère, que la production socialiste dépassera de beaucoup la production capitaliste, laquelle engendre forcément le gaspillage en même temps que ses rendements sont inférieurs. On leur demande de le prouver et, naturellement, ils n’y parviennent pas. Si lorsque l’Angleterre d’antan s’est confiée au libre échange et lorsque plus tard la France l’a suivie dans cette voie, on avait réclamé des promoteurs de ces réformes des chiffres à l’appui de leurs dires, ils eussent été bien embarrassés d’en fournir ; les calculs sur lesquels on se base en pareil cas contiennent toujours un certain nombre d’apriori : il ne saurait en être autrement.

Donc il est possible que les socialistes aient raison et que le régime qu’ils préconisent soit en fin de compte plus productif que le régime actuel. Mais en renonçant même à contester ce point, on n’aperçoit guère le moyen d’arriver à ce que la transition entre les deux régimes ne se traduise pas en un recul marqué dans la production. Ce simple recul ne déterminera-t-il pas une débandade dans les rangs socialistes ?


Il devra résulter d’une entente internationale

En effet, le fléchissement au détriment de l’État où se fera l’expérience, contrastera avec la prospérité des autres États ; et il ne s’agit pas là d’une crise rapide. La transition entre des régimes si différents s’opérera avec lenteur, si même elle ne suscite pas de résistances violentes. La rivalité commerciale superposera son action aux difficultés intérieures ; de bons voisins sont toujours empressés à profiter de vos embarras et il serait puéril de s’attendre, de leur part, à une neutralité bienveillante. Les socialistes, avons-nous dit, sont prêts à souffrir pour leur cause ; mais c’est, bien entendu, à condition que la vaillance de leur foi continue de les soutenir.