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JULES SIMON

Ses pages sur la constitution du droit de propriété en régime communiste, sur la propriété considérée comme un démembrement de la souveraineté, où il montre l’analogie profonde entre le droit éminent de propriété sous l’ancien régime et le droit éminent de propriété dans une société propriétaire des capitaux, ces pages écrites avant l’apparition de Marx, n’ont rien perdu de leur énergie première et demeurent invincibles.

Mais, en même temps, il déclare qu’en matière de propriété comme en toute autre, le droit individuel doit compter avec la communauté ; qu’en société aucun droit n’est garanti qu’à la condition d’un sacrifice, et que la propriété ne reconnaissant aucune limite deviendrait à son tour une tyrannie. « L’argent, dit-il se coalisera contre nos besoins et contre nos bras. Il nous tuera par le monopole et par l’exploitation… L’humanité tournera dans un cercle et rétablira l’esclavage par l’exagération de la liberté. C’est donc une vérité d’évidence que la propriété, comme la liberté, doit faire des sacrifices à l’ordre ».

Ainsi, il donne pour la première fois au progrès social une doctrine, un programme et une méthode. À quarante ans de distance, il ouvre les voies où nous marchons, il indique les solutions que nous nous efforçons de réaliser : d’une part, le développement du principe d’association sous des formes de plus en plus actives ; d’autre part, une législation équitable et humaine, donnant aux travailleurs plus de confort, de loisirs, de sécurité et d’indépendance ».


iv


Le talent d’orateur et d’écrivain de Jules Simon rappelait — son talent d’orateur surtout — ces travaux d’aiguille qui superposent, aux riches dessins d’un beau tissu, des broderies d’une finesse et d’un coloris sans pareils. Le fond du discours était toujours puissamment préparé ; arguments réfléchis, gradation parfaite, conclusion logique. Mais là-dessus courait une merveilleuse improvisation tour à tour émue, ironique, égayante et entraînante ; les mots choisis — on eût dit au poids — s’équilibraient exactement : une sorte d’harmonie régnait entre la mesure de la phrase et celle de la pensée pour se prolonger dans le geste et dans le maintien. Jules Simon en était arrivé à « jouer » ses discours familiers ; on