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nous une tendance trop marquée à traiter ces idées d’anodines et ces réformes d’insuffisantes ; on veut aller, on va déjà bien plus loin en vertu de cette disposition du caractère Français à outrer toutes choses, à suivre la route de la logique jusqu’à l’absurde, car dans la vie réelle et pratique, c’est bien à l’absurde que mène la logique. Il faudrait relire aujourd’hui ce qu’a écrit Jules Simon non plus pour y trouver le programme d’un avenir désirable vers lequel tendre, mais les limites d’un présent raisonnable auquel s’arrêter.

Par ces études d’un caractère si élevé où tant de prudence s’alliait à tant de générosité, Jules Simon se préparait au rôle politique qu’il allait jouer. Il fut un de ces fameux « cinq » que le réveil libéral envoya siéger au corps législatif impérial et qui formèrent le noyau de l’opposition. Le fardeau du pouvoir devait tomber sur eux bien inopinément et non point par le jeu régulier du gouvernement constitutionnel qu’était en train de devenir l’empire, mais dans le désarroi d’une effroyable catastrophe qui laissait la France envahie et la nation sans chef et sans guides.


ii


L’œuvre ministérielle de Jules Simon ne fut pas très longue. Il fit partie de ce gouvernement de la Défense nationale qui s’improvisa courageusement en face du péril ; il aida de toutes ses forces Thiers dans son entreprise de réorganisation nationale ; enfin il fut, sous le maréchal de Mac-Mahon, chef d’un cabinet que renversa de façon imprévue et injustifiée le demi coup d’État du 16 Mai. Ce ne fut pas assez pour dessiner une ligne de politique générale personnelle ; mais ce fut assez pour orienter le département de l’Instruction publique dans des voies nouvelles. Aussi bien Jules Simon était-il désigné par ses travaux et ses doctrines pour devenir le grand maître de l’Université dans la république renaissante. Si l’on examine aujourd’hui l’ensemble des réformes pédagogiques qu’il réalisa ou amorça, on est frappé par leur caractère nettement démocratique et obstinément libéral. Certes réclamer l’obligation et la gratuité de l’enseignement primaire, c’était, en ce temps-là surtout, atteindre à la limite des revendica-