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modernes, jeux de lumière, machinerie, changements soudains, luxe de décors, oblige l’auteur à s’en tenir aux grandes sources d’émotion — toujours les mêmes et combien variées, pourtant ! — que recèle la nature humaine. C’est bien là ce qu’a fait M. Pottecher. La chose, toutefois, demande quelque préparation et pas trop de hâte. Ni à Bussang, ni ailleurs on ne peut improviser le talent des acteurs ni même l’état d’âme propice des spectateurs. Il faut opérer par gradation, avec patience et délicatesse. Le cycle des représentations (il y en a deux à trois par an) s’est ouvert en 1895 par une pièce anti-alcoolique intitulée : Le diable marchand de goutte. L’été dernier on en était à Macbeth et le chef-d’œuvre Shakespearien a soulevé un enthousiasme tel qu’il sera rejoué cette année et que d’autres hardiesses, du même genre, sont prévues pour les saisons prochaines. Ainsi, en huit années, l’œuvre a pu s’élever au sommet de la beauté dramatique ; on a trouvé des interprètes capables, et éduqué un auditoire suffisant ! — Le théâtre de Bussang est adossé à la montagne ; le fond peut s’ouvrir par des panneaux mobiles sur le décor naturel des astres et des champs. La salle comprend un parterre sur lequel est tendu un velum et qu’entourent des galeries de bois en style forestier ; un verger environne le théâtre. Déjà d’autres théâtres rustiques se sont créés sur ce modèle à l’étranger et il est impossible de ne pas voir là l’aurore d’un très grand mouvement ; il était digne du pays de Molière qu’un Français en fut l’initiateur.

Pendant qu’aux flancs des Vosges se développe cet art rajeuni, le celche théâtre d’Orange, restauré et rendu à la vie, procure à ses fidèles, l’illusion d’une merveilleuse descente dans le passé Gréco-Romain d’où nous sommes issus. Le théâtre d’Orange est le plus vaste et le mieux conservé que nous ait légué l’antiquité. Longtemps délaissé, il a été l’objet d’un déblayage et d’une consolidation opérés avec lenteur et respect. Quand on a voulu l’utiliser à nouveau on a eu la surprise de trouver intacte son extraordinaire acoustique. C’était en 1869 et l’essai fut repris en 1874. Mais Norma, Galathée ou le Chalet n’étaient guère appropriés à un cadre pareil. Le succès vînt avec Œdipe Roi et Antigone. Athalie échoua ; les Précieuses ridicules parurent intolérables. On vit ainsi, comme l’écrit M. Paul Mariéton, que « l’intrigue simple et l’action rapide de la tragédie grecque touchent plus sûrement l’âme de la foule que les complications psychologiques de la dramaturgie moderne ». Au point de vue musical le Moïse de Rossini, les Erin-