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REVUE DU PAYS DE CAUX

l’action d’un terrorisme naissant. Mais tout de même un peuple entier ne capitule pas de cette manière sans que le reste du monde ne ressente pour lui un mépris justifié. Et ce même mépris s’étend malheureusement aux premiers actes du nouveau souverain. On ne peut pas demander à Pierre Karageorgevitch de châtier les meurtriers puisque cela lui est de tous points impossible ; il y risquerait sa couronne et sa vie. Mais on avait le droit d’attendre de lui qu’il ne les exaltât point et ne répandit point sur eux les éloges et les récompenses, ce qu’il s’est empressé de faire d’une façon tout simplement scandaleuse. On ne saurait — jusqu’à nouvel ordre du moins — supposer une connivence secrète entre Karageorgevitch et ses partisans ; il est trop évident que ceux-ci ne l’avaient pas mis dans le secret de leur projet. Mais la hâte qu’il éprouve à se solidariser avec eux n’est pas faite pour jeter beaucoup de prestige sur sa royauté ; son trône surtout n’en sera point fortifié. Roi chancelant d’une nation déshonorée, il risque fort de périr lui-même comme a péri celui dont il a pris la place.

Les jours qui passent ne rendent pas non plus la conduite de l’Europe plus estimable. L’opinion s’est complue dans le télégramme sévère adressé par François-Joseph à Pierre ier et dans le noble geste du roi de Roumanie repoussant les couleurs du régiment Serbe dont il était colonel honoraire. Mais elle eut souhaité davantage. Si des troupes Russes, Allemandes et Austro-Hongroises avaient occupé Belgrade et que les trois puissances eussent commencé par châtier les assassins, l’honneur de l’Europe serait sauf et Pierre ier aurait aujourd’hui devant lui une tâche infiniment plus facile, car au lieu d’être le prisonnier de ses sujets, il pourrait être vraiment leur chef et le grand nom qu’il porte n’aurait reçu aucune éclaboussure. Mais les puissances n’ont pensé qu’à leurs intérêts propres et à leur tranquillité présente. Elles ont eu tort. Le drame de Belgrade est un spectacle suggestif et dangereux : le crime impuni a, toujours et partout, engendré le crime.

Choses polaires.

La France suit d’un regard ému la courageuse entreprise du docteur Jean Charcot qui va bientôt se diriger à la tête d’une importante mission vers le pôle Sud. Si grands que soient les dangers auxquels s’exposent les hardis navigateurs qui cherchent à