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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

morceau. Tant par sa proximité de l’Éthiopie que par sa situation plus avantageuse sur la mer Rouge, Djibouti l’emporte de beaucoup sur les établissements de nos voisins. Cela ne veut pas dire du reste que le séjour en soit edénique, mais les Français qu’on y envoie ont du moins la conviction que leur dévouement sert les intérêts de la métropole.

À Belgrade.

Il est extrêmement douloureux de constater que rien n’est venu atténuer l’horreur des crimes commis à Belgrade le 10 juin dernier ; bien loin de là, chaque jour qui a passé a rendu les responsabilités plus lourdes et plus nombreuses. Ce sont d’abord les détails du forfait. On avait espéré que dans l’exagération du premier instant, les chroniqueurs avaient laissé leur imagination les emporter au-delà de la terrible réalité. Mais non ! tout s’est passé comme on l’a dit dès l’abord. Le roi et la reine ont été massacrés sans hésitation, odieusement mutilés, précipités par la fenêtre ; leurs corps présentaient à l’examen les marques de blessures innombrables et n’étaient plus que des loques sanglantes ; deux ministres ont été tués, chez eux, au sein de leurs familles et la fille de l’un d’eux qui voulait défendre son père est morte avec lui ; les deux frères de la reine ont été fusillés de même ; pour un peu d’autres victimes auraient été ajoutées à la funèbre liste.

Il était déjà fort triste, d’autre part, que des officiers aient sali leur uniforme dans une infamie de ce genre ; du moins, s’ils n’avaient été qu’une poignée de criminels ! Mais le doute n’est plus permis ; la conjuration était colossale ; il y avait deux cents assassins tout prêts et c’est toute l’armée Serbe qui se trouve déshonorée. Lâchement, ces hommes qui venaient de tuer des êtres sans défense et qui s’en vantaient ont tout mis en œuvre pour jeter la boue du ruisseau sur leurs victimes ; là encore, l’opinion attendait des révélations sensationnelles ; une malpropre autopsie ne suffit point à échafauder les calomnies ; il n’apparaît ni que le roi ait volé la nation ni que la reine ait donné l’exemple des pires débordements ; rien n’est prouvé et même on se rend compte que rien n’est prouvable.

Certes la joie obscène que Belgrade a témoignée le lendemain du crime, ces drapeaux, ces fleurs, ces airs de danse, cette ivresse, tout cela a été payé et commandé ; les habitants ont agi sous