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REVUE DU PAYS DE CAUX

travailler sans relâche pour avoir de quoi payer les loyers de leurs fermes et se procurer leur nourriture et un chétif habillement. Ils ne songent point à bonifier leurs fermes dans la crainte qu’on n’en hausse le prix ou qu’on ne les donne à des étrangers. »

Aujourd’hui les îles Hébrides sont définitivement classées dans la catégorie des vieilles reliques. Dépeuplées depuis cent ans par la pauvreté et l’émigration, elles sont devenues des curiosités nationales. Elles sont fermées l’hiver. L’été une escadre de petits bateaux de plaisance se répand dans l’archipel ; quelques stations balnéaires se sont établies et forment des centres d’excursions : Stornoway, dans l’île de Lewis, Portree dans l’île de Skye, Tobermory dans l’île de Mull. Les ruines des monastères et des châteaux sont nombreuses ; les forteresses danoises ont presque disparu ; seuls les monuments druidiques sont demeurés intacts ; on y retrouve les dolmens, les allées, les alignements de la Bretagne et en face de ces énigmes de granit, on se demande pour la centième fois quelle était cette force inconnue qui transportait de pareilles masses et les posait en équilibre sur une pointe au sommet de laquelle elles oscillent depuis 1500 ans.

Maintenant que dans cette revue historique nous voici arrivés au vingtième siècle, allons terminer notre entretien sur le paquebot qui va nous conduire à la grotte de Fingal.


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Il y a de tout sur le paquebot : un orchestre, un restaurant, des boutiques ; les passagers se composent principalement d’Anglaises recouvertes de caoutchouc (car le temps est menaçant) et d’Anglais enfouis dans d’énormes capuchons d’où l’on voit sortir toutes les vingt secondes la fumée d’une pipe. Dans la salle à manger, il y a de grandes pièces de viandes et un régiment de sauces pimentées au vinaigre, à la moutarde et au poivre rouge. À l’étalage des boutiques un choix de photographies et d’images coloriées. Sur les pupitres des musiciens, le beau Danube bleu, une charmante valse composée récemment par un jeune Viennois de beaucoup d’avenir. Les gens pratiques vont déjeuner ; les gens poétiques écoutent la musique ; les nigauds achètent. Mais tout à l’heure il n’y aura plus que deux catégories : ceux qui regardent le