amplifiait le récit et la fable venait s’y mêler. Les Bardes finirent par devenir de très importants personnages élevés dans des collèges où on les « initiait ». Leurs poésies étaient scandées avec une extrême régularité ; il fallait non seulement que les mots eussent le même nombre de syllabes, mais la même euphonie et la même prononciation.
Après que le Barde avait terminé son récit, le maître de la maison, élevant en l’air une coupe de métal, portait la santé de ses hôtes. Le temps se passait ainsi à se visiter les uns les autres. Oncques ne vit jamais une société plus hospitalière. Les étrangers étaient accueillis avec le plus gracieux empressement ; on les mettait à réquisition de récits et d’histoire ; on leur offrait en échange des chasses dans les bruyères rouges où se cachaient les jeunes daims. Au milieu de cette civilisation, l’abbaye d’Iona demeurait un sanctuaire vénéré où les principales familles avaient leurs tombes : le couvent de Sainte-Marguerite subsistait ; une Mac-Donald, dont la pierre funéraire se voit encore parmi les ruines, en était supérieure lorsqu’un coup soudain bouleversa l’archipel. Le synode calviniste du comté d’Argyll livra à une bande de pillards les églises des îles. « N’en laissez pas pierre sur pierre, détruisez jusqu’aux derniers vestiges d’un culte maudit » ; tels étaient les recommandations des farouches réformateurs. Une déroute générale s’opéra. Le pillage ne s’arrêta pas au seuil des demeures seigneuriales ; elles brûlèrent comme les églises ; le zèle des puritains s’alarmait du luxe qui y régnait ; ils voulaient niveler, égaliser. Bientôt ce ne furent partout que ruines et désolations ; le sol redevint inculte, la misère fut extrême et la population tomba dans l’apathie la plus profonde. Il fallut, deux cents ans plus tard, qu’un célèbre voyageur Anglais découvrit et fit connaître à ses concitoyens la grotte de Fingal et les ruines d’Iona.
v
Le docteur Johnson quitta Édimbourg le 18 août 1763. Après avoir gagné Aberdeen il visita les comtés du nord et passa dans l’île de Skye où, quelques années avant, le prince Charles-Édouard avait cherché un refuge après la bataille de Culloden dans laquelle les Stuart perdirent leur dernier atout. Cette île, l’une des plus