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SEMAILLES ET RÉCOLTES



La France a reçu ces temps-ci des hommages à propos desquels ses enfants ont déraisonné à qui mieux mieux.

Lorsque le président de la République est arrivé en rade d’Alger, il y a trouvé quatre escadres envoyées à sa rencontre par l’empereur de Russie, le roi d’Italie, le roi d’Angleterre et le roi d’Espagne ; peu de jours après un navire Portugais lui apportait le salut du roi Don Carlos ; enfin l’escadre Américaine attendait à Marseille le retour de M. Loubet pour lui présenter les compliments du président Roosevelt. À peine rentré à Paris, le chef de l’État y recevait la visite solennelle du roi Édouard VII. Pendant ce temps, le ministre de l’Instruction Publique se rendait à Rome pour y assister au centenaire de l’établissement de l’Académie de France à la Villa Medicis, puis à Delphes pour y consacrer la grande œuvre archéologique menée à bien par l’École Française d’Athènes ; et la sympathie unanime des autorités et des populations transformait ce voyage en une série d’ovations chaleureuses.

Maintenant, supposons qu’à l’heure terrible de 1870, lorsque les Français se trouvaient, selon la forte parole de Zola, en face de « toute une France à refaire », supposons qu’un bon génie ait soulevé le coin du voile, nous montrant dans un avenir sémillant ces spectacles grandioses, Alger, Paris, Rome, Delphes et là-bas, de l’autre côté de la boule terrestre, la glorieuse exposition d’Hanoï ; la République honorée par tous les souverains, consolidée par trente ans de paix et de travail, devenue une grande puissance coloniale, alliée à la Russie, reconciliée avec l’Italie, ayant retrouvé aux États-Unis sa popularité d’antan… Quelle n’eut pas été notre joie patriotique ?

Or cette joie, nous ne l’éprouvons pas. Un sentiment patriotique digne de ce nom doit faire vibrer l’ensemble de la nation, en dehors de toute distinction de parti. Aujourd’hui les partis ne font point trève devant une question nationale.

Les uns accaparent l’hommage rendu à la France et à la Répu-