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LE VOYAGE PRÉSIDENTIEL EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE

maisons de pierres. Ces quelques chiffres suffisent à donner une idée exacte des problèmes ethniques Algériens. Dès à présent la population Française est assez forte pour que la domination de la France soit hors de question et la formation d’une nationalité Franco-Algérienne soumise à la mère-patrie mais présentant des particularités certaines ne saurait faire de doute. D’autre part le flot des étrangers est assez considérable pour que l’on se préoccupe de le capter ou de lui résister ; il n’est pas permis d’y demeurer indifférent ; le danger Espagnol dans la province d’Oran est moindre à tous points de vue que le péril Italien en Tunisie ; il n’en est pas moins nécessaire de veiller à ce qu’il n’augmente pas ; en pareil cas il faut surtout encourager les naturalisations et décourager l’emploi de la langue natale, par tous les moyens légitimes. En troisième lieu l’éducation des indigènes et en même temps le maintien des oppositions de races ou de cultes qui les divisent doivent préoccuper les autorités. On ne peut point insuffler à des Arabes ou à des Kabyles l’esprit Français, mais on peut leur faire toucher du doigt les avantages industriels, économiques, scientifiques que notre présence apporte à leur pays ; on peut également arrêter tout mouvement — si par impossible il s’en produisait aujourd’hui — qui viserait à les unir dans la poursuite d’un idéal ou d’un intérêt commun ; on doit, en un mot, décourager tout ce qui tendrait à ramener la « guerre sainte » si dangereuse dans les pays d’Islam. Enfin le nombre des Israélites et le fait — regrettable mais irréparable — qu’ils sont devenus en bloc citoyens Français — imposent au gouvernement des obligations sérieuses à leur égard ; il faut à tout prix se préserver du néfaste antisémitisme et en même temps contenir le sémitisme en de justes limites. Tout cela n’est point aisé mais c’est faisable. Le pire obstacle est dans l’existence d’un lien politique entre l’Algérie et le parlement Français. Le fait qu’Oran a fourni à la Chambre des Députés dans la personne de M. Étienne un des hommes politiques les plus remarquables de ce temps n’atténue pas la défectuosité de l’institution. La suppression des députés d’Algérie et l’établissement d’une autonomie Algérienne sagement progressive s’imposent ; on pourra y joindre la suppression des préfets et des sous-préfets dont les bicornes émaillent inutilement de vastes régions n’ayant aucune ressemblance avec les départements de la métropole.

Placée sous le contrôle et la surveillance des fonctionnaires Français, l’administration indigène conserve ses formes anciennes ;