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LE VOYAGE PRÉSIDENTIEL EN ALGÉRIE ET EN TUNISIE

ports de la côte les attirèrent surtout ; ils y créèrent de terribles centres de piraterie. D’abord les Sarrazins et ensuite les corsaires Turcs firent, quatre siècles durant, régner une sorte de terreur sur la Méditerranée. Le pillage des navires n’était que le moindre de leurs méfaits ; ils opéraient sur les côtes de France, d’Italie et surtout sur celles d’Espagne et de Sicile des descentes répétées au cours desquelles ils faisaient, parmi le meurtre et l’incendie, de véritables razzias d’esclaves. Il est incompréhensible que les puissances Européennes les plus directement intéressées à voir cesser un pareil état de choses l’aient toléré si longtemps. Elles ne dirigèrent contre les forbans Algériens que de rares et insuffisantes expéditions. Chose curieuse, ce fut la jeune république des États-Unis, née de la veille, qui osa la première leur infliger un sérieux châtiment. Enfin, en 1830, la France profitant d’une insulte faite par le Dey[1], à son représentant (un coup d’éventail sur le bras), dirigea sur Alger une formidable expédition avec l’intention bien arrêtée d’en chasser le potentat et d’y établir sa propre domination. L’armée Française sous le commandement du maréchal de Bourmont débarqua à Sidi-Ferruch, battit les troupes Arabes et Turques à Staoueli et s’empara brillamment de la citadelle d’Alger, réputée imprenable. Le drapeau fleurdelisé flotta quelques jours sur les murailles blanches, puis il disparut pour jamais. Renversé par la révolution de Juillet, Charles x, en se retirant, léguait à la France, avec la gloire de Navarin, la clef d’une France Africaine.

Il s’en fallut de peu que le nouveau gouvernement n’évacuât cette précieuse conquête ; sans prestige, n’ayant ni la force que donne le vote populaire ni celle qu’assure le droit monarchique, il lui fallait à tout prix s’assurer la bienveillance de l’Angleterre, et précisément l’Angleterre, alarmée de l’expédition d’Alger, avait adressé à ce sujet des remontrances à Charles x, remontrances reçues d’ailleurs avec une hauteur telle que le cabinet Britannique jugea inutile d’insister ; mais Louis-Philippe était tenu de se montrer moins fier ; toutefois le sacrifice qu’il dut faire aussitôt à l’entente Anglaise du côté de la Belgique, en refusant le trône que les Belges offraient à l’un de ses fils, permit de laisser

  1. Le régence d’Alger, placée sous la suzeraineté de la Turquie, était gouvernée par le Dey et divisée en trois beylicats : Oran, Titeri et Constantine.