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REVUE DU PAYS DE CAUX

Journaux transatlantiques.

Si les États-Unis ont de grands écrivains dont ils peuvent se montrer orgueilleux, ils n’ont pas lieu d’être autrement fiers de leur presse qui est bien la dernière du monde. Ceci vient sous notre plume à propos d’une enquête qu’un journaliste Français a faite récemment auprès de ses confrères d’Amérique. Il voulait savoir ce que là-bas on pensait de nos journaux. Il le leur a demandé par écrit et a reçu, en réponse, les plus dédaigneuses consultations. La presse Française, d’après ces excellents amis, n’est qu’une petite femmelette, pérorante et coquetante, ne sachant rien et le disant mal, perdue de frivolités, la tête tournée par le moindre bout de ruban ou le moindre boa… La leur, par contre, est une robuste personne, admirablement constituée, informée avec une incroyable rapidité sur toutes choses, ayant un jugement impeccable, un goût très sûr, une rectitude de conscience sans pareille, etc…, etc…, etc… Ah ! Ah ! la bonne histoire ! Avec tous ses télégrammes et ses téléphones, son armée de correspondants, ses nuées de reporters, ses palais et ses usines, la presse Américaine trouve moyen de ne rien savoir, de tomber à côté chaque fois qu’elle prophétise, de renseigner ses lecteurs avec une prodigieuse insuffisance, de parler un langage incorrect, de commettre d’invraisemblables bourdes. Et il faut bien l’avouer, en ce qui concerne la France, son ignorance et son incapacité s’élèvent à un diapason inconnu jusqu’alors. Et la cause de toutes ces défectuosités, c’est avant tout le désir de ne se renseigner qu’électriquement, de connaître en un clin d’œil les moindres événements qui se produisent à cinq cents et à mille lieues de là. Comment, dans ces conditions, peut-on rien savoir de précis ? Il faut une marge normale pour juger des choses et des gens ; toute information instantanée, quel que soit celui dont on l’obtient, quelles que soient les garanties matérielles dont on s’entoure pour la demander, contient forcément une part d’inexactitude.

Les conditions dans lesquelles se trouve placée la presse, aujourd’hui, sont essentiellement défectueuses ; par suite des exigences modernes qui se sont greffées sur les habitudes anciennes, il est à peu près impossible de faire le journal idéal, celui qui donnerait au lecteur la connaissance très exacte et suffisamment rapide de tout ce qu’il peut lui être agréable et utile de