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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

Troubles en Croatie.

La question Croate telle qu’elle s’impose en ce moment à l’attention de l’Europe est certainement plus bruyante que troublante. Il faut y voir une conséquence naturelle de l’effervescence générale dont souffre l’empire de François-Joseph. Rien d’étonnant à ce que là comme ailleurs, sous l’action de la grande évolution qui s’opère et sous le couvert des rivalités ethniques qui lui servent de prétexte, les oppositions de classes ou d’intérêts, les passions religieuses et les ambitions politiques se heurtent comme des flots déchaînés poussés les uns contre les autres par des causes contraires. Il en résulte du bruit, beaucoup d’écume, de la force dépensée mais en général moins de travail accompli que le bruit et l’écume ne le donneraient à penser au premier abord. De ce que la dissolution de la monarchie Austro-Hongroise est fatale, il ne s’ensuit pas nécessairement que le même sort soit réservé à la monarchie Hungaro-Croate.

Frères des Serbes par le sang, mais restés fidèles à l’église Romaine et dominés par un clergé riche et puissant, les Croates sont unis à la Hongrie par des liens politiques fort anciens puisqu’ils datent du roi Koloman. Le royaume « triunitaire » de Croatie Slavonie et Dalmatie était gouverné par la diète d’Agram et par le Ban, sorte de vice-roi jouissant d’une autorité assez considérable ; certaines lois votées à Presbourg devaient l’être aussi à Agram et des représentants de la diète Croate siégeaient à la diète Hongroise. Avec le temps des changements importants se produisirent dans la constitution du royaume triunitaire. La Dalmatie en fut détachée par la conquête Vénitienne ; occupée ensuite par les Français, gouvernée par le maréchal Marmont, que Napoléon récompensa en le créant duc de Raguse, elle fut rendue en 1815 à l’Autriche qui l’érigea en province impériale et la gouverna directement. D’autre part, des colonies Serbes orthodoxes se créèrent en Slavonie ou, dès lors, naquirent des querelles confessionnelles dont l’empire fit son profit. Enfin, dans le comitat même d’Agram se constitua peu à peu un district noble doté de privilèges exorbitants, entièrement soumis à l’influence Magyare et exerçant sur le reste de la noblesse Croate une action nettement favorable à la politique Hongroise. C’étaient là des éléments certains de trouble et de confusion. L’institution dite des « confins