Se rapprocher de la France sans s’écarter de l’Allemagne était une tâche d’équilibriste très propre à tenter un pays et une diplomatie qui peuvent s’inspirer des exemples et des succès d’un Cavour. À vrai dire, il n’y avait là rien de cyclopéen, et la meilleure preuve, c’est qu’on y a réussi assez aisément du jour où l’on a voulu s’en donner la peine. L’intérêt de nos voisins à y réussir était évident et leur désir légitime ; il n’y a pas jusqu’à la méfiance dont nous parlions tout à l’heure qui, de leur part, ne fut excusable. S’ils n’avaient pas fait plus, le mot de double jeu, qui implique toujours une légère pointe de fourberie, ne serait pas ici à sa place. Par malheur, le récent discours de M. Prinetti laisse percer quelque chose d’un peu imprévu, d’assez inquiétant et d’inutilement retors. Il s’agit de la Tripolitaine ; tout le monde sait que la reconnaissance des droits éventuels de l’Italie sur cette portion du sol Africain a été la base des négociations qui ont abouti au rapprochement avec la France. Pourquoi M. Prinetti prend-il soin de déclarer à la tribune de Montecitorio que « l’Angleterre a donné à l’Italie les mêmes assurances relativement aux frontières orientales de la Tripolitaine que la France, relativement à ses frontières occidentales ? » Cette assimilation, entre la France et l’Angleterre, ne peut avoir d’autres résultats — et sans doute elle n’a pas d’autre but — que d’affaiblir la portée des concessions faites par la France et de diminuer, en la partageant, la dette contractée par l’Italie. C’est un procédé bien connu et que M. Perrichon eût inventé s’il n’avait existé de tout temps, que celui qui consiste à proclamer les bons offices de Paul pour éviter de trop devoir à Jacques. L’Angleterre, dont les droits en Égypte ne sont d’ailleurs pas encore absolument définis, n’a rien de commun avec la Tripolitaine dont l’Égypte est séparée par un désert épais ; le mot de frontières, appliqué à ces régions d’aspect mort et indécis, n’est là que pour les convenances diplomatiques. Bien différents sont les contacts entre la Tripolitaine et la Tunisie. Tripoli n’est pas loin de Sfax, ni même des postes avancés de l’Algérie, et en renonçant à inquiéter les visées italiennes sur ce pays, la France donne véritablement quelque chose ; l’Angleterre ne donne rien du tout, ou du moins, elle donne ce qu’elle n’a pas, procédé assez cher à ses