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puissante armée et l’utilisait fréquemment. Les périodes étaient rares qui s’écoulaient sans expéditions aux frontières, sans incursions à repousser, sans interventions armées plus ou moins légitimes et opportunes. Mais derrière les légions, venait l’ordre, le bel ordre administratif et judiciaire appuyé sur une force tranquille et sûre d’elle-même. L’armée était l’instrument d’une brève conquête ; l’ordre public était le but d’une longue occupation. Cette très noble conception de la mission d’un grand État et de son rayonnement sur l’humanité soutint l’empire Romain à travers les âges ; elle retarda sa désagrégation fatale et glorifia sa décadence. Les Anglais sont, à beaucoup de titres, les héritiers directs des Romains ; d’autres en ont recueilli l’héritage législatif ; mais l’héritage moral et social, bien plus caractéristique, est passé dans leurs mains. Il semble qu’en allant mourir dans la lointaine York, à l’extrémité de ses fabuleuses possessions, l’empereur Septime Sévère ait enfoui dans le sol Anglais, où elles ont si vigoureusement germé depuis, les deux grandes idées qui furent les pierres angulaires de la puissance Romaine, à savoir le dogme orgueilleux de la supériorité nationale et la doctrine pratique du progrès matériel comme base de domination. Ce dogme et cette doctrine ont créé l’Australie et rallié le Canada ; c’est par eux que l’Angleterre s’est établie dans l’Inde plus solidement que d’aucuns ne le pensent ; c’est pour avoir suivi d’autres errements qu’elle a perdu jadis ses colonies d’Amérique ; c’est là que gît encore le secret de son avenir dans l’Afrique du Sud. Qu’elle perde sa foi en elle-même et qu’elle néglige d’organiser et d’enrichir ses nouveaux domaines, son prestige s’évanouira aux yeux des peuples qu’elle subjugue. Or, cette œuvre est une œuvre de paix. Pour construire des chemins de fer et des docks, des routes et des digues, des églises et des universités, des banques et des hôtels de ville, il faut la paix assurée, la paix qui seule multiplie les transactions et encourage les entreprises de longue haleine.

Un bail de Trois, Six, Neuf.

L’Autriche et l’Italie ont reloué chacune l’étage qu’elles occupaient dans la maison de l’Europe centrale. C’est un succès pour le propriétaire. Nous avons dit, l’autre jour, comment l’Autriche se trouvait hors d’état de sortir de cette maison. Se fût-elle refusée