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REVUE DU PAYS DE CAUX

ennemis reprochent au Français ; colère et fanfaron, tapageur et ambitieux, futile et irréfléchi, le coq ne rachète point par une vigilance matinale qui du reste, n’a rien de particulièrement Français, toutes les vilaines particularités de sa nature.

Et passons maintenant à la tenue ridicule dont un protocole tout neuf mais parfaitement poncif, affuble les malheureux citoyens chargés de représenter la République. Imaginez-vous le spectacle que fournit un lot de messieurs en habit noir descendant à dix heures du matin, sous un ciel du nord, le long d’un cuirassé ? Les voyez-vous ces mêmes habits, montant en wagon, passant une revue, visitant une usine, donnant des audiences et posant des premières pierres ? On nous dit : l’habit est le vêtement de la démocratie. Erreur ! C’est son vêtement du soir ; mais son vêtement du jour, c’est la simple redingote et le Président des États-Unis n’en porte point d’autre. Il ne se met point en habit pour aller en chemin de fer ou en bateau ; il se trouverait ridicule de le faire et lorsque Grover Cleveland inaugura l’exposition de Chicago, ce chef de 72 millions d’hommes n’avait pas cru devoir se déguiser en croque-mort.

Du fait des habitudes prises depuis vingt ans par nos gouvernants, les solennités de notre République ont toujours un vague relent de pompes funèbres et, dans les circonstances les plus joyeuses, il semble toujours qu’on enterre quelqu’un. Il est vrai que les plaques et les grands-cordons corrigent la tristesse du drap noir et dissimulent la jaunisse des plastrons (car il est impossible de porter ce costume en plein air, pendant une heure de temps, sans qu’il soit piteusement fané) ; mais ces distinctions étrangères sont lentes à venir ; trop souvent, il faut, avant qu’elles ne soient venues, céder la place et ainsi, les habits noirs se succèdent au pouvoir, tristes, vieillots et comiques.

Allons, monsieur le Président de la République, vous qui avez rapporté de votre voyage de si bonnes idées, prenez d’heureuses initiatives. Arborez la redingote et d’un coup de pied, renvoyez le coq Gaulois à sa basse-cour. Vous ferez plaisir au Vercingétorix de bronze qu’on vient d’ériger là-bas, en Auvergne et qui, vraiment, n’a pas l’air d’un coq, n’est-ce pas ?…