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L’ÉDUCATION PHYSIQUE DE VOS FILS

comprend que le premier des animaux à améliorer, c’est l’homme.

Par malheur, cette conviction a fait naître une nuée de théories, les savants s’en sont mêlés, les médecins sont intervenus et l’éducation physique qui est la chose la plus simple du monde et devenue un monument pesant, biscornu et compliqué dont l’architecture rappelle celle du Palais de Justice de Bruxelles.

Les qualités physiques qu’il importe à l’homme d’acquérir sont, non point la force et l’adresse qui sont des qualités spéciales et locales, mais la résistance et la souplesse. Un hercule de foire ou un jongleur de profession sont des types de force et d’adresse habituellement cités en exemple ; mais ils ne possèdent pas nécessairement la résistance et la souplesse générales propres à l’homme normal, et pour une raison bien simple, c’est qu’ils ne sont point des hommes normaux. Pouvoir soulever un fardeau nous est utile dans la vie, mais le soulever à bras tendus… pourquoi faire ? Savoir attraper un objet au vol est également utile, mais le rattraper avec la plante du pied au lieu de la paume de la main… à quoi bon ? Résistance et souplesse ne consistent pas à savoir faire des tours, mais à n’être embarrassé en présence d’aucune des situations dans lesquelles la vie de chaque jour peut nous placer. Si le cratère de la Martinique s’ouvre sous nos pas ou que le train, qui nous emporte à toute vapeur, en télescope un autre, ce ne sont pas nos talents d’hercule ou de jongleur qui nous en tireront mieux que nos voisins d’infortune ; par contre, s’il faut détaler pendant deux kilomètres sans reprendre haleine, devant un péril quelconque, l’homme normal fournira cette petite course mieux que l’hercule, et de même il se montrera supérieur au jongleur s’il faut ramer une heure durant pour sortir d’un mauvais pas. Que nos muscles d’ensemble soient donc en bon état, robustes et obéissants, et l’ordre de mobilisation que donnera le cerveau sera exécuté avec rapidité et exactitude.

Tel est, au fond, le but de l’éducation physique. C’est de préparer la mobilisation de l’homme. Celui-ci représente une armée : l’état-major et le généralissime sont dans la tête ; les officiers et les troupes, dans les membres. L’estomac, c’est l’intendance ; les sens sont les sentinelles ; l’ennemi est au dehors, mais au dedans circulent les traîtres qui sont la maladie. L’éducation physique doit tendre à expulser les traîtres, à empêcher les sentinelles de