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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

avec cet acte, tous les autres, tous ces titres, donations, legs, certificats dont le savant échafaudage avait trompé les hommes d’affaires les moins novices et les plus avisés. Il ne paraît pas que Reavis ait été bien lourdement châtié ; après quelques années de prison il se retira à Denver ; fatigué, il n’a plus cherché à tirer parti de son passé ; s’il eût voulu entreprendre une tournée de conférences, il en eût recueilli certainement un bon profit. On n’a pas cherché à écharper Reavis lors de sa condamnation ; après sa libération on l’eût applaudi. Les Américains adorent tout ce qui est « monumental » et cette belle escroquerie était faite pour les charmer. Qu’est-ce que cette pauvre madame Humbert, à côté des 500 millions de Reavis ? En y pensant, le Yankee, très fier, s’écrie : tout est grand chez moi — tandis que le Français gémit sottement : autour de moi, tout est pourri — Tais-toi donc, brave homme. Il y a des scélérats et des gogos partout ; mais tu geins si fort qu’on finit par croire que tu en as le monopole.

Dans l’Amérique du Sud.

Un sage traité conclu pour cinq ans a mis fin au conflit Chilo-Argentin. Les deux puissances ont convenu de laisser dormir la querelle de frontières qui les avait amenées à de sérieux préparatifs de guerre. Ce sera, sans doute, un sommeil léger auquel le moindre incident mettra fin ; mais si l’on ne pouvait pas s’entendre sur le fond, la seule chose à faire c’était de réserver l’avenir et de parer au plus pressé en écartant le péril présent. Pendant que le Chili et l’Argentine s’accordaient, une dispute éclatait entre le Brésil et la Bolivie à propos d’une concession fort imprudemment consentie par cette dernière à un syndicat Américain, lequel pourrait bien obtenir l’assistance des États-Unis, ce qui compliquerait énormément la question. Il s’agit d’un territoire mal délimité et situé dans les hautes régions du bassin de l’Amazone. L’existence, en ces parages, d’une sorte de compagnie à charte Anglo-Américaine, pourrait devenir un péril sérieux pour les républiques voisines, et le Brésil, en ce cas, ne servirait pas seulement ses propres intérêts en intervenant, mais aussi les intérêts de tous les États Sud-Américains. Peut-être que ce danger commun mettrait fin aux querelles intestines qui les divisent si fréquemment. En ce moment même, la Colombie et le Vénézuéla