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REVUE DU PAYS DE CAUX

cutée, et il est de plus en plus certain que sur ce point, le Sultan et ses Conseillers ne céderont qu’à la force. Or, pour employer la force, il faudrait une Europe unie, d’accord surtout sur la façon de régler la fameuse question d’Orient et n’ayant pas, à bien des égards, de communauté d’intérêts avec le cabinet de Constantinople. Tel n’est pas le cas. La Turquie d’Europe n’existe plus, on peut le dire ; il n’y a plus qu’une Turquie d’Asie dont la capitale est en Europe, de l’autre côté du Bosphore. Mais du jour où l’on prendrait l’initiative de jeter bas ce restant d’empire, à qui appartiendrait Constantinople ? À qui, l’Asie Mineure ?… Toutes ces objections ne reviennent pas à dire qu’il ne faille rien tenter en faveur des opprimés. Mais il est permis de croire que si les zélateurs de l’agitation Arménienne se rendaient mieux compte des données du problème, ils serviraient plus utilement la cause qu’ils défendent. Prochainement, ils doivent se réunir en congrès à Bruxelles. Un examen impartial de l’état de choses auquel on désire remédier, un choix modéré des mesures à proposer, telle est la double tâche qui s’imposerait à ce congrès. Il est à craindre qu’on s’en tienne à des protestations éloquentes et à des objurgations déclamatoires.

Une affaire Humbert en Amérique.

Bien jolie l’histoire de M. James Addison Reavis que nous rappelle la Revue des Revues dans un de ses derniers numéros. Cet admirable aventurier, ayant épousé une jeune Mexicaine d’une grande beauté, lui forgea des titres à un héritage de 500 millions de francs en restitution duquel il intenta une action contre l’État d’Arizona, devant la Cour des États-Unis. Cela dura vingt-sept ans. Les titres étaient si habilement fabriqués que les meilleurs avocats prêtèrent le concours de leurs talents et que les plus riches banquiers avancèrent joyeusement leurs deniers. James Reavis et sa femme vécurent tout ce temps aux crochets de la finance New-Yorkaise. Que n’eût-on pas fait pour un pareil client ! L’État d’Arizona, écrasé par l’évidence, suscitait mille chicanes pour faire durer le procès. De part et d’autre on avait déjà dépensé près de cinq millions lorsque le pot aux roses fut enfin découvert. L’acte fondamental, base de l’affaire, portait la signature de Philippe v et le sceau du roi d’Espagne. Paraphe et cachet, tout était faux et