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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

passé, était bien un acte de folie sanguinaire : ceux qui y ont pris part avaient bien la volonté de tuer. L’acquittement, dont ces criminels viennent d’être l’objet, ne peut engendrer dans leur esprit que la notion de la légitimité de l’insurrection ou celle de la faiblesse Française : et peut-être les deux à la fois. L’une et l’autre sont des notions infiniment dangereuses d’où peut sortir, en ces mêmes lieux, avant qu’il soit longtemps, une tentative révolutionnaire autrement funeste, mieux préparée, plus étendue, et qui se terminera par une large effusion de sang. Pesant sera, ce jour-là, sur la conscience des anciens jurés de 1903, le souvenir de leur indulgence irréfléchie ; et peut-être se rendront-ils compte — un peu tard — qu’un verdict plus sévère eût atténué leur responsabilité de justiciers plutôt que de l’aggraver. Ils comprendront alors ce que valent ces théories humanitaires, dures aux colonisateurs jusqu’à l’absurdité, tendres aux colonisés jusqu’à la démence, dont quelques rêvasseurs de bureau ont répandu, dans les sillons de la pensée Française, le germe morbide.

La prise de Kano.

Les Anglais, gens plus pratiques, n’ont point été demander aux habitants de Kano s’il leur convenait de devenir membres de l’empire Britannique ; et si quelque Kanotien s’avise de relever demain l’étendard de l’émir qu’on vient de détrôner, soyez sûr qu’on fera passer à ses concitoyens toute envie de l’imiter. Mais, au fait, vous ne devez pas savoir ce que c’est que Kano ; cette localité n’appartenait jusqu’ici qu’à l’histoire des querelles de rois nègres. Cette capitale a été reconnue par le traité Franco-Anglais de 1898, comme appartenant à la zône d’influence Britannique. Ville énorme aux maisons basses construites en boue séchée, Kano nourrit, paraît-il, près de 100.000 habitants et ce qui en augmente singulièrement la superficie, c’est que les terres cultivées par lesdits habitants sont comprises dans l’enceinte de la ville, de façon qu’en temps de guerre, les murailles étant garnies de défenseurs, les travaux agricoles puissent se poursuivre sans interruption. Kano est un grand centre de caravanes. Les Anglais y sont entrés sans trop de difficultés grâce à l’énergie du gouverneur des établissements du Bénin qui s’était mis en tête de réaliser cette conquête malgré les instructions contraires reçues de Londres.