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REVUE DU PAYS DE CAUX

leur causant de terribles dommages ; on n’est pas arrivé à connaître les mobiles de ce fâcheux caprice ; il s’est trouvé pourtant un journal sérieux pour en faire remonter l’origine au cléricalisme des populations armoricaines ; le raisonnement était long et ingénieux, développé d’ailleurs avec une charmante modération ; on n’affirmait pas, on se contentait d’indiquer. L’enseignement religieux abrutissant ceux qui le reçoivent, il ne leur est pas possible de progresser dans leur carrière et, s’ils sont pêcheurs, ils n’arrivent pas à pêcher selon les données de la science, ce qu’ils feraient assurément s’ils étaient anciens élèves d’une école laïque : et alors la sardine ne pourrait plus résister… Si quelque étranger a lu cette élucubration-là, il a dû se dire que décidément il n’y avait rien de plus bête qu’un Français quand il se met à être bête ; et c’est juste. Heureusement que nous ne nous y mettons pas tout le temps.

Les Bretons, du reste, ont été secourus avec une ardeur, on pourrait dire une véhémence, inespérée. Oserait-on prétendre que c’est la seule émotion causée par leur détresse qui a provoqué cet effort et non point le souvenir de leur énergique résistance à de récents décrets ?… Ainsi notre diable de politique se fourre partout ; elle enlève à la charité ce qu’elle a de plus noble, la spontanéité et le désintéressement, et fait dire à des gens accoutumés d’avoir de l’esprit, de colossales sottises !

Un jury mal inspiré.

Et c’est encore elle, la gueuse, qui a induit le jury de Montpellier en une erreur dont les conséquences seront longues et terribles. Pourquoi, direz-vous, de braves Montpelliérains avaient-ils à décider du sort d’une quantité d’Arabes dont ils ignoraient le langage, la religion, l’histoire et l’état d’esprit ? C’est absurde, on ne saurait le nier : c’est un de ces illogismes qu’engendre notre manie d’assimiler les colonies à la métropole et d’appliquer à des populations indigènes des lois conçues par leurs conquérants. Mais tout en faisant la part du désarroi en lequel se sont trouvés jetés les cerveaux des estimables jurés devant l’apparition de ce monde Africain à la fois si candide et si corrompu, rien n’excuse la coupable faiblesse dont ils ont fait preuve en cette circonstance. La révolte, dont le village de Margueritte avait été le théâtre, l’an