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L’IMPASSE RUSSE

à rendre la surveillance étroite. Il n’est pas indispensable que leur police soit sanguinaire comme le fut l’inquisition d’État créée par Pierre le Grand ; il est même superflu qu’il y en ait deux s’espionnant l’une l’autre comme le voulait Nicolas ier ; mais elle n’en demeure pas moins la seule source de renseignements, l’unique sécurité.

De la, ces « façades » innombrables qui, dans les institutions Russes, trompent à chaque instant le regard. On n’élève plus sur le passage du souverain, comme au temps de Catherine, des villages de carton, peuplés de figurants et destinés à masquer le caractère inculte de la contrée et par suite le détournement des crédits affectés à son développement. Mais on n’a pas renoncé à simuler des réformes et à tourner habilement les difficultés qui pouvaient en résulter. Des lois de détail viennent amender la loi fondamentale qui reste seule en vue ; ou bien on a recours aux « règlements temporaires » qui, sans modifier le principe du droit, en suspendent l’application. Certains délits sont soustraits « provisoirement » aux juridictions compétentes et déférés à des tribunaux d’exception ; de toutes façons, les concessions accordées en bloc sont reprises une à une. Après cela, on peut se vanter que la peine de mort soit abolie (sauf en matière politique), qu’une partie de la magistrature soit élue, qu’il y ait un jury ou que la presse soit libre…, c’est exact en théorie et faux en pratique. L’instruction publique révèle des contradictions plus surprenantes encore. La méfiance, ici, est universelle et incessante. Un Russe a pu dire que, dans son pays, tous les efforts du ministre de l’Instruction publique étaient dirigés contre l’enseignement populaire. Ce n’était pas un paradoxe.

À vrai dire, aucun de ces abus n’est prémédité. La volonté de réformer, d’améliorer est sincère. On ne donne pas avec la pensée de retirer ensuite ; mais on retire parce qu’on ne peut pas faire autrement, parce que rien n’est prêt pour acclimater une liberté, si humble soit-elle ; parce que la méfiance est l’unique moyen de gouvernement et la police, l’unique instrument. Et le mal ne fera qu’empirer.


L’unique remède

Cependant le problème gouvernemental n’est pas insoluble ; il serait même près de trouver sa solution le jour où le tsar voudrait