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(ce dernier héritier de la Horde d’or, se considérant toujours comme suzerain de la Moscovie), enfin les Tatars de Crimée placés sous le protectorat du sultan de Constantinople. À la mort d’Ivan, tout était changé ; ce prince avait commencé par dépouiller ses frères de leur part de l’héritage paternel, car Vassili l’Aveugle avait cédé à cette déplorable coutume du morcellement qui empêchait la Russie de s’agglomérer au xve siècle comme elle avait failli empêcher de se former la France Mérovingienne. Puis ce fut le tour des quatre maisons princières. Trer, Riazan, etc… et enfin de la république de Novgorod forte de ses territoires et de son commerce, mais faible de son organisation à la Polonaise avec un chef impuissant entre une aristocratie indépendante et une démagogie turbulente ; il restait le joug Tatar. Sans se laisser entraîner au hasard des batailles, Ivan, armé jusqu’aux dents, ne cessa d’énerver son adversaire par une succession de menaces et de retraites ; il fit si bien que la discorde se mit parmi les Tatars qui s’entretuèrent ; la Horde d’or ne fut plus qu’une sorte de tsarat semblable aux autres et affaibli comme eux. Les guerres qu’Ivan entreprit contre la Pologne furent moins heureuses, encore que la seconde se soit terminée par une rectification de frontières au profit de la Moscovie.

Ce fut un hasard providentiel pour les Russes que les vingt-huit années du règne de Vassili fils et successeur d’Ivan iii, aient pu prolonger l’œuvre de ce prince et la consolider de façon qu’elle résistât aux épreuves qui l’allaient assaillir. En effet, la figure célèbre d’Ivan iv le Terrible, si elle rappelle de grands succès comme cette prise de Kazan (1552), qui fut pour la Russie ce que la prise de Grenade fut pour l’Espagne, rappelle aussi des événements peu faits pour fortifier une jeune monarchie. Son coup d’État opéré à l’âge de treize ans, son initiative à prendre le titre impérial de tsar qui rappelait, à la fois, le pouvoir illimité des souverains orientaux et les magnificences du césarisme Romain, son empressement à nouer des relations avec l’Europe (c’est alors que l’Angleterre et la Russie firent connaissance et, chose curieuse, par la mer Blanche !) tout cela a pu valoir à la politique d’Ivan le Terrible un juste renom ; il n’en reste pas moins qu’avec ses brusques revirements, sa création fantaisiste du royaume de Livonie, sa candidature imprudente au trône de Pologne, sa bizarre tentative de partage de la Moscovie en deux portions, l’une gouvernée par les boïars, l’autre par lui-même,