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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE



Toutes les sympathies de l’univers civilisé ont été tendues, ces temps-ci, vers le chevet de la reine Wilhelmine. Ces sympathies s’expliquent trop bien, tant par la sagesse et la générosité politiques de la jeune souveraine que par sa situation d’unique héritière directe de l’illustre maison d’Orange dont les princes furent, en Europe, les champions valeureux des idées libérales — pour qu’il soit besoin d’y insister.

Deux Reines.

Mais l’opinion publique ne s’est peut-être pas assez souvenue, en envoyant à Wilhelmine des vœux sincères, de celle qui souffrait et pleurait au pied du lit royal. Depuis le jour où elle céda à sa fille unique le fardeau du pouvoir, la reine Emma s’est enfermée dans le plus discret des silences et le monde l’a oubliée. Il se prépare, sans doute, à oublier de même la femme éminente qui est encore régente d’Espagne et ne sera plus, dans quelques jours, qu’une reine-mère, étrangère désormais au gouvernement de son pays. Les deux régences d’Espagne et de Hollande n’ont point eu à traverser les mêmes angoisses. Autour du trône de Wilhelmine, les Hollandais se tenaient étroitement unis : nulle guerre ne les menaçait et leur empire colonial était assez fort pour résister aux audacieux dont il eût pu exciter les convoitises. L’Espagne, au contraire, a payé le prix d’une longue série d’exactions et de méfaits dont ni Alphonse xiii ni sa vaillante mère ne partageaient les responsabilités : celle-ci a ressenti doublement, dans son amour maternel et dans sa fierté royale, le coup qui diminuait le patrimoine de son fils à la veille de sa majorité politique. Tous les soucis, pourtant, n’ont pas été d’un côté et les joies de l’autre. La reine Christine a connu des roses et la reine Emma a senti des épines. L’une et l’autre ont eu de grands mérites et peuvent être fières de leur œuvre. Mais qui ne voit que ce qui les a le plus aidées, c’est leur qualité de femmes. Il est parfaitement clair qu’une souveraine veuve, de mœurs exemplaires et toute dévouée à sa tâche,