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REVUE DU PAYS DE CAUX

Cette politique qui servait si bien les Anglais en donnant prétexte, de leur fait, à des griefs d’apparence très légitime, s’explique de deux manières. Étant donné les mœurs des Boers, leur vie pastorale, leur passion de solitude et leur ignorance invétérée, il était impossible de trouver dans ce milieu, du moins honnête et respectable, les éléments d’une administration et d’un gouvernement ; les fonctionnaires et les dirigeants se recrutaient donc en grande partie parmi des aventuriers, des spéculateurs, des « déracinés » en un mot, dont la moralité ne sut pas résister au voisinage de l’or. Une seconde explication, c’est l’action personnelle du président Krüger qui se crut assez fort pour arriver à la domination du Sud Afrique, entreprise dans laquelle il comptait absolument sur l’appui de l’Allemagne. De de ses voyages en Europe et ses entrevues avec les hommes d’État Anglais et avec Bismarck, Krüger avait rapporté la double conviction de la faiblesse de l’Angleterre (dont l’avaient déjà persuadé les événements de 1879-80) et de la résolution prise par l’Allemagne de lui barrer la route en Afrique. Dans ce cerveau puissant, mais sans instruction, les situations les plus compliquées avaient ainsi une tendance à se résoudre en formules simples et absolues ; « Le temps est venu, disait le Président, un an avant le raid Jameson, en présidant un banquet en l’honneur de l’empereur Guillaume, le temps est venu de nouer entre l’Allemagne et le Transvaal les liens de la plus étroite intimité, liens semblables à ceux qui doivent unir un père et son fils ». Voilà des paroles graves et significatives. Il est vrai que le fameux télégramme par lequel l’empereur salua l’échec du raid n’était pas fait pour enlever au Président ses illusions.

Le Raid Jameson

On trouverait difficilement aujourd’hui, quelqu’un d’assez peu avisé pour recommencer l’expédition entreprise par le Dr  Jameson lorsqu’à la tête de 700 hommes, il voulut envahir le Transvaal et s’en emparer. Nous ne reviendrons pas sur les détails de cette équipée folle, à laquelle l’attitude fanfaronne des révoltés de Johannesburg ajouta quelque chose de grotesque et de ridicule dont les habitants de cette ville auront peine à se décharger. Pour très habile — et très lucrative (car il obtint par les cautions et saisies plus de 6 millions d’indemnité et il en réclama près de 40) que fût la générosité du président Kruger grâciant les flibustiers,