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LE DRAME SUD-AFRICAIN

vaal était une stupidité : on ne le comprit ni sur place, ni à Londres. Le fait — assez étrange il est vrai, que les Boers n’opposaient aucune résistance et, même que sur les 8.000 électeurs du Raad, 3.000 se prononcèrent en faveur de l’Angleterre — ce fait trompa complètement le gouvernement Britannique. Il ne vit, pour employer une expression triviale, mais juste — pas plus loin que le bout de son nez et ne prit même point la peine d’exécuter les promesses faites en son nom par Sir Théophile Shepstone. On envoya au Transvaal des agents au-dessous de leur tâche dont les procédés méfiants et brutaux eurent vite fait d’exaspérer les Boers ; l’autonomie demeura lettre morte ; il n’y eut point d’élections ni aucune forme de gouvernement libre. Un parti national se créa aussitôt et la révolte se prépara. Dès 1878, 6591 électeurs pétitionnaient pour le rappel de l’annexion ; on n’y prit pas garde. L’Angleterre avait remis de l’ordre dans les finances, maintenu les indigènes, payé les dettes, rétabli la sécurité dans le pays ; elle pensait que ces bienfaits réels suffisaient à légitimer sa domination. Le réveil fut rude. La rébellion éclata sans qu’aucune mesure de préservation eût été prise. Dans une série de combats, dont le plus célèbre fut celui de Majuba, les Anglais furent taillés en pièces.

L’illustre et généreux Gladstone était alors premier ministre de la reine Victoria. Il ne vit que l’injustice commise et la nécessité de la réparer. À tant de fautes politiques, déjà commises dans le Sud Afrique, il en ajouta une capitale : il évacua et restitua le Transvaal purement et simplement ; une vague formule de suzeraineté, insérée dans la convention signée à Londres en 1881, disparut de la convention de 1884 qui rectifia et compléta la première. Ces faits eurent deux conséquences très graves : ils laissèrent au cœur des Anglais établis au Transvaal ou sur la frontière une durable rancune et un vif besoin de revanche ; ils donnèrent aux Boers une idée fort exagérée de leurs propres forces et de la faiblesse de leurs adversaires. C’étaient là des résultats qu’on devait prévoir et qui ne pouvaient manquer de peser lourdement sur l’avenir ; mais des circonstances imprévues vinrent encore compliquer la situation.

Les approches de la Crise

Ces circonstances furent : l’élection de Paul Krüger à la présidence du Transvaal en 1882 et les réélections successives qui lui