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REVUE DU PAYS DE CAUX

L’Annexion, la Révolte et la Paix

En 1872, la colonie du Cap reçut son autonomie ; la majorité Hollandaise s’en servit pour rétablir l’usage du droit et de la langue Hollandaises, mais ces libérales institutions, loin d’atténuer, tendirent plutôt à accroître son loyalisme à l’égard de l’Angleterre. Au Transvaal, la situation empirait chaque jour. Il y avait eu plusieurs guerres coûteuses contre les indigènes et Cetiwayo, Roi des Zoulous, se préparait à attaquer les Boers. Les dettes de l’État se montaient à près de cinq millions et demi ; ses ressources étaient presque nulles et l’ardeur de ses créanciers croissait en proportion. Des repris de justice, des spéculateurs véreux, des financiers en fuite, toute une population agitée, mécontente et peu recommandable s’était formée dans les centres urbains ; les Boers la regardaient s’accroître avec une méfiance impuissante.

C’est alors que le gouverneur du Cap, Sir Théophile Shepstone, inquiet à juste titre de l’état morbide dans lequel se trouvait le Transvaal, accourut à Prétoria et après entente avec le président Burghers, en proclama l’annexion à l’empire Britannique. C’était un nouvel acte d’incohérence dépassant tous les précédents. Il faut avouer qu’en cette circonstance, pourtant, l’incohérence n’était pas uniquement du côté des Anglais. De quel nom appeler l’allocution adressée le 3 mars de cette même année (1877) par le président Burghers aux membres du Raad (chambre des Députés). « J’aimerais mieux être sergent de ville sous n’importe quel gouvernement fort que d’être le chef d’une pareille nation… Vous avez perdu le pays, vous êtes descendus aussi bas qu’on peut descendre… » Suivait une kyrielle d’accusations dont quelques-unes, à tout le moins, étaient imméritées : Burghers ne reprochait-il pas aux Boers de n’avoir plus foi « ni en Dieu, ni en eux-mêmes ? »

Sir Théophile Shepstone venait, disait-il « en ami et en conseiller » ; si ironiques que paraissent ces paroles, lorsqu’on songe à tout ce qui suivit, il importe de les prendre au sérieux. Sir Théophile n’avait effectivement que de bonnes intentions ; mais quand il fut au milieu de cette petaudière, il n’aperçut pas d’autre moyen d’en tirer les Transvaaliens que de les britanniser. Quel est l’Anglais qui n’est pas intimement convaincu qu’il n’existe pas de plus grand bonheur que d’être dirigé et gouverné par lui ? Cette idée fait, en général, sa force, mais parfois aussi sa faiblesse. L’annexion du Trans-