Page:Revue du Pays de Caux n1 mars 1902.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
REVUE DU PAYS DE CAUX


millions de catholiques ; car on aura beau faire, même séparés d’elle politiquement, c’est avec la Bavière que marcheraient les nouveau-venus.

Le problème, certes, n’est pas insoluble et on peut toujours créer, au profit de la maison de Hohenzollern, ce gouvernement impérial, esquissé seulement en 1870 et dont les rouages n’auraient nul besoin de se confondre avec ceux du gouvernement Prussien. Cela n’en suppose pas moins une forte secousse politique et l’on comprend que Guillaume ii n’en envisage pas l’éventualité avec une entière sérénité.

Mais encore une fois, qu’y pourrait-il ? Force lui sera bien, même à son corps défendant, de venir au secours des Allemands d’Autriche, si les slaves prétendaient les forcer à demeurer unis à eux.

Supposons maintenant que, par impossible, la sécession s’opère à l’amiable et que, devenu empereur, François Ferdinand consente à diminuer lui-même sa couronne et à ne plus régner que sur des Hongrois et des slaves ? Cette abnégation établirait-elle un paratonnerre suffisant ? Un coup d’œil sur la carte montre que l’extension de l’empire d’Allemagne refoulerait les Slovènes et emprisonnerait les Tchèques. Des Slovènes, nous ne parlerons pas. Ils sont trop peu nombreux et trop peu organisés au point de vue national pour provoquer une grande guerre européenne à leur profit. Mais il en va tout autrement des Tchèques. Ceux-là sont beaucoup ; la Bohème leur appartient de fait et de droit ; ils ont un long passé glorieux et des ambitions précises. Ils forment une sorte de coin fortement enfoncé dans le flanc germanique. Sous peine de déchoir, la Russie ne peut éluder son devoir envers eux : ils sont l’avant-garde du slavisme et ont droit à sa protection absolue. Quand bien même la Russie ne ferait pas la guerre pour empêcher l’Allemagne de s’agrandir, elle serait amenée à la faire pour défendre les Tchèques. Une guerre Russo-Allemande éclatera tôt ou tard de ce fait.

La France se trouvera alors l’arbitre de l’Europe. De sa conduite, tout dépendra. Nous ignorons si son traité secret avec la Russie lui permettrait de demeurer neutre. Mais en admettant qu’il en soit ainsi, le resterait-elle ? Il est temps que les Français