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REVUE DU PAYS DE CAUX

sans parler de beaucoup de fenêtres ouvrant sur la vie), M. Couyba place « deux cariatides, la Science et l’Art ; l’une, toute la réalité, l’autre, tout l’idéal. » Au fronton, ajoute le somptueux député « se dresserait, souriante et sereine, la démocratie, jetant d’un geste large, la bonne semence de vérité et de beauté. » L’Officiel enregistre les « vifs applaudissements » qui ont accueilli cette péroraison.

L’éloquence est une belle chose et lors même que la forme est emphatique, si la pensée est sincère et l’aspiration élevée, il convient d’applaudir. Mais ce qu’il faut éviter c’est de croire qu’une pensée sincère et une aspiration élevée, recouvertes d’un peu d’éloquence, peuvent tenir lieu d’un plan pratique d’éducation nationale.

Revenons à M. Viviani. Il aurait dit encore, si les compte rendus sont précis, que « la France ne doit pas être déchue de son rôle intellectuel et piétiner dans l’arène commerciale et industrielle où l’ont précédée de jeunes nations. » Ceci est plus grave, c’est de l’ignorance. Il n’est plus permis aujourd’hui de ne pas connaître la valeur de l’effort intellectuel créé par les « jeunes nations » que Napoléon et beaucoup d’autres après lui ont commis l’erreur de croire uniquement préoccupées de gagner de l’argent ! Très vieux jeu en cette circonstance, le moderne M. Viviani ! Il croit que le flambeau Français éclaire de haut la marche trébuchante des nations. Pas toujours exacte dans le passé, cette conception de notre rôle national est fausse dans le présent et paraîtra parfaitement ridicule dans l’avenir. Aucune nation, aucun peuple n’ont ce privilège de guider les autres d’une façon continue. Ils ont leur mission spéciale et la nôtre est assez grande et assez belle pour contenter notre orgueil sans que nous allions chercher au-delà.

Ignorance de ce qui se passe au dehors, prédilection pour les belles images et les phrases harmonieuses, cavalcade échevelée de la raison vers les extrêmes limites de la logique et de l’imagination vers les lointains horizons de l’art, les voilà bien, les travers de l’esprit Français ! Sans rien laisser perdre de ce qui fait le charme de notre race et la rend attrayante, que les dirigeants du collège de Normandie prennent à tâche de neutraliser ces imperfections héréditaires dans les jeunes cerveaux qui leur seront confiés. Sous les ombrages de Montcauvaire, dans ce cadre sain,