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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

chose, mais au point de vue national, au point de vue Allemand. Théodore Roosevelt se place au point de vue général, humain ; il formule une thèse philosophique et c’est là le côté curieux et nouveau de ces pensées qui tombent sur la foule quintessenciée comme les éclats sonores d’une fanfare primitive.

À Barcelone.

Les incidents de Barcelone sont exploités comme il fallait s’y attendre, par les socialistes et les anarchistes. Les premiers attirent l’attention du public sur ce bel essai de grève générale ; les seconds se réjouissent de la terreur dont les « bourgeois » ont été frappés. Tout cela est du mirage. Barcelone est sans doute le séjour favori d’un groupe d’anarchistes et la population ouvrière est trop importante pour que les aspirations collectivistes ne s’y soient pas développées. Mais les passions qui ont fait éclater le soulèvement actuel sont d’une nature toute différente ; on conçoit que les révolutionnaires cherchent à en profiter ; mais, à eux seuls, ils n’eussent pu réussir à provoquer de pareils événements. La Catalogne est de toutes les provinces d’Espagne, la plus attachée à ses privilèges, à ses fueros. C’est de plus, celle dont les ressources sont toujours utilisées pour alimenter la machine nationale ; population dense, activité industrielle et commerciale, richesse générale, la Catalogne possède ce qui manque à ses sœurs, elle est la personne fortunée autour de laquelle gravitent des parentes pauvres. Cette situation a souvent provoqué les accès de mauvaise humeur des Catalans. Ils se rendent compte que sous un régime fédéraliste, leur autonomie les porterait au pinacle ; ils formeraient l’État le plus puissant et gouverneraient la péninsule à leur gré. Ces tendances sont encouragées par le parti républicain qui promet d’établir en Espagne une République fédérale sur le modèle de la République des États-Unis et celle-ci, depuis sa victoire, a encore grandi en prestige aux yeux des Catalans. L’idée fédérale gagne beaucoup chez nos voisins, tandis que l’idée républicaine est stationnaire. C’est une faute de les laisser s’associer. La monarchie, consolidée par une longue durée et par la sagesse souriante de la Reine Régente, aurait dû s’engager avec prudence mais avec résolution, dans la voie des réformes et ne pas s’inféoder au centralisme. Mais peut-être a-t-on voulu réserver ce changement de politique pour le jour — maintenant très proche — où la régence