Le Maroc — nous le rappelons en passant pour ceux qui l’auraient oublié — est réputé avoir 8 millions d’habitants sur un territoire de 500.000 kilomètres carrés, soit la superficie de l’Espagne à peu de chose près ; il jouit d’un climat sain et agréable sur le littoral, très chaud à l’intérieur ; il importe pour 30 à 35 millions de francs de marchandises et en exporte un peu moins. Ses villes principales sont Fez, Maroc, Mequinez, Tanger ; Fez a 150.000 habitants et Tanger, 20.000. Le sultan du Maroc, Abdul-Azis, est assis sur un trône capitonné de quelques remords ; il a, en effet, soufflé ce trône à son frère aîné, lequel en était l’héritier légitime et pour plus de sécurité il a muré ledit frère dans un épais cachot où l’on s’étonne d’apprendre que le malheureux n’a pas encore succombé. C’est un peu au nom de ce dernier, mais plus probablement avec des arrière-pensées personnelles, que s’est levé un prétendant, moitié guerrier, moitié prophète comme il convient à tout révolutionnaire Musulman. Bou-Hamara a marché contre les troupes du sultan et les a défaites. L’Europe aussitôt s’est grandement émue ; il ne parait pas pourtant que ces premiers succès doivent aboutir à un renversement du régime actuel. C’est ce que nous devons souhaiter, nous autres Français, à qui le statu quo importe particulièrement. Le Maroc qui pénètre comme un coin dans nos possessions Africaines ne peut appartenir à d’autres qu’à nous et le jour où une intervention Européenne y deviendrait nécessaire, ce serait la nôtre qui s’imposerait ; la sécurité de notre empire Africain l’exige. Ce point de vue, admis tacitement par l’Allemagne, est naturellement celui de la Russie ; l’Italie y a adhéré en retour de la liberté d’action que nous lui laissons à Tripoli. L’Espagne ne s’y oppose pas, encore qu’elle ne puisse renoncer, sans de légitimes regrets, à une extension souvent rêvée. Reste l’Angleterre : son gouvernement a une attitude correcte ; mais à côté de ses diplomates officiels, l’Angleterre a toujours, au loin, des représentants officieux qui ne sont autres que ses correspondants de journaux ; celui du Times a joué au Maroc un rôle actif et s’est insinué dans les bonnes grâces d’Abdul-Azis. Que peut-il, il est vrai ? En défendant le trône d’Abdul-Azis il sert nos intérêts ; de toutes façons, l’annexion du Maroc nous coûtera cher et nous ne sommes point pressés d’y recourir. Puisse donc Abdul-Azis régner en paix, le plus longtemps possible ; et si d’aventure, Bou-Hamara