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HISTOIRE D’UN ARCHIPEL BRUMEUX

éloigné qu’il lui fallut une lutte constante de trente années pour les acquérir.

Le monastère d’Iona ne fut d’abord qu’un amas de masures faites de claies d’osier ou de roseaux soutenues par des pieux. C’était tout un village, car aux compagnons que saint Colomban avait amenés d’Irlande, se joignaient sans cesse de nouveaux convertis. Puis on éleva des constructions plus solides, en bois. Iona n’offrait que de bien faibles ressources ; çà et là quelques taillis dont l’écume de mer rongeait le sommet et dont on ne put même pas tirer le bois nécessaire aux charpentes ; il fallut le faire venir. Au centre était l’église dominée par une sorte de campanile abritant la cloche, une belle cloche en métal dont les premiers tintements causèrent sans doute bien des distractions aux insulaires pendant le service divin. Plus loin, il y avait des étables pour les bestiaux, des hangars pour les instruments de travail ; sur la grève étaient rangées les barques qui composaint la flotille. Faites d’osier recouvert de peaux de bêtes, elles étaient très longues et très minces ; les unes ressemblaient à ces légères périssoires dont les Norwégiens se servent avec une audace sans pareille ; les autres plus grandes, pouvaient contenir un certain nombre de personnes. On les utilisait pour la pêche et pour les longues expéditions dans lesquelles les moines cherchaient de nouvelles terres à évangéliser. C’est ainsi qu’ils découvrirent l’îlot de Saint-Kilda et les dernières des Shetlands. Une autre fois le vent du nord les porta pendant 14 jours dans les profondeurs de l’océan. Des communautés vassales s’établissaient aux environs. On rapporte à saint Colomban la fondation de trois cents églises dont les deux tiers dans les Highlands. Les relations de l’abbé avec le continent Écossais si l’on peut employer cette expression devenaient chaque jour plus fructueuses et plus étendues.

Les effets d’une telle puissance ne tardèrent pas à se manifester. Colomban présida des conciles et prit en mains la direction des affaires religieuses ; on venait de loin pour le consulter et solliciter ses prières ; on apportait aussi des présents ; mais l’abbé, soucieux de préserver son monastère de la corruption, refusait tous autres dons que ceux pouvant se tourner en aumônes ; sa dévotion d’ailleurs était quelque peu teintée de puritanisme ; il n’aimait point les pompes exagérées, les décorations trop coûteuses. Il était poète pourtant, mais sa poésie était celle des Bardes, c’est-à-dire éminemment patriotique et un peu guerrière. Les moines de