Page:Revue du Pays de Caux n1 janvier 1903.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
REVUE DU PAYS DE CAUX

voit l’ombre d’Ossian errant dans les Hébrides ; il allait, accompagné de la fiancée de son fils, Malvina, seul en face de cette grandiose nature dont il cherchait à rendre les beautés ; et, sans doute, il chanta ses strophes dans la grotte de Fingal ; de là vient, au dire des poétiques Écossaises, la douce harmonie qui ne cessa jamais d’y vibrer depuis lors. Mais abandonnons des souvenirs trop lointains et passons au second chapitre de la longue histoire des Hébrides. Une colonie, venue d’Irlande, a peuplé les îles et des moines s’établissent sur leurs rives inhospitalières pour y prêcher l’évangile. En face de l’ouverture béante de la grotte de Fingal, se trouve une terre plate et nue qui porte un surnom glorieux ; c’est l’île d’Iona ; on l’appelle le Saint-Denis des Hébrides. C’est là que dorment les souverains d’Écosse, d’Irlande et de Norwège, à l’ombre des ruines d’une abbaye fondée il y a 1300 ans par saint Colomban.

Saint Colomban est le premier et le plus grand de ces apôtres d’Occident dont M. de Montalembert a conté les hauts faits. Son caractère passionné, ses hardiesses, sa vie pleine de contrastes, sa lutte contre lui-même et la victoire complète qui la termine en font l’une des figures les plus originales des annales monastiques. À vingt-cinq ans, c’était un homme violent, prompt à la vengeance, impérieux et dominant. Il appartenait à la race guerrière qui régnait sur l’Irlande et lui-même avait souvent tenu le glaive, car le moine et le soldat se confondaient en lui. Mais il fallait un tel homme pour une telle mission. Là où les autres auraient échoué, lui pouvait réussir. Jeter sur un îlot désert les fondements d’un établissement religieux, fertiliser un sol ingrat, répandre dans tout l’archipel la lumière de l’évangile ; puis étendant le cercle de ses pieuses conquêtes, parcourir le nord de l’Écosse habité par des peuples sauvages, s’exposer à tous les dangers pour gagner à Dieu de nouvelles âmes, telle fut l’œuvre de Colomban. Mais en même temps qu’il remportait d’éclatantes victoires sur le culte idolâtre, il se domptait lui-même avec une semblable énergie. La liste des supplices qu’il s’infligeait est étrange autant que terrible. Au plus fort de l’hiver, il entrait dans l’eau glacée pour réciter l’office ; il s’agenouillait la nuit dans la neige pour prier ; il se fouettait d’orties et se nourrissait d’une soupe faite avec des chardons. Un si grand luxe d’austérités ne paraît pas cependant avoir autant frappé ses contemporains que sa douceur et son humilité, vertus presque inconnues parmi eux et dont il était lui-même si